USA. De Bagram à Guantanamo, un taxi pour l'enfer
Un taxi pour l'enfer, un documentaire de Alex Gibney (Allemagne, Etats-Unis, Royaume Uni , 2007, 104mn) ZDF
Comment la plus grande démocratie du monde en est-elle venue après le 11-Septembre à justifier le recours à la torture ? L'enquête brûlante d'un cinéaste en colère, Oscar 2008 du documentaire, sur l'assassinat d'un jeune Afghan.
En décembre 2002, en Afghanistan, un jeune chauffeur de taxi nommé Dilawar est arrêté et incarcéré à la prison militaire américaine de Bagram. Il meurt en détention cinq jours plus tard. Ce n'est qu'après la découverte d'un certificat de décès portant la mention "homicide" par des reporters du New York Times que l'état-major américain consent à s'interroger sur cette mort suspecte. Car Dilawar est mort sous la torture, et ses bourreaux, comme va le découvrir Alex Gibney, l'ont achevé alors qu'ils étaient déjà convaincus de son innocence. Ensuite, ils partirent exercer leurs talents pour l'interrogatoire à la prison irakienne d'Abou Ghraib. Le supplice de Dilawar constitue le point névralgique de ce documentaire exemplaire, réalisé par Alex Gibney, auteur d'un précédent film très remarqué sur le scandale d'Enron. À travers les témoignages de ses proches, des soldats inculpés, mais aussi d'officiels haut placés dans l'armée ou dans l'administration Bush, apparaissent clairement la volonté et la responsabilité du pouvoir dans le recours à la torture en violation de toutes les règles de la guerre fixées par la convention de Genève.
De Bagram à Guantanamo. De Bagram à la prison d'Abou Ghraib en Irak, puis à Guantanamo, le réalisateur démontre que les mauvais traitements et les humiliations infligés aux détenus n'étaient pas le fait de "brebis galeuses", comme a voulu le faire croire le ministre de la Défense d'alors, Donald Rumsfeld. Un taxi pour l'enfer quadrille implacablement le sujet, partant des images chocs prises à Abou Ghraib par les tortionnaires eux-mêmes pour détailler les sévices mis au point par la CIA lors de certains interrogatoires, dont le waterboarding (asphyxie par l'eau), afin d'extorquer des aveux aux suspects dans la prison de Guantanamo. Des faits que le gouvernement du président Bush avait aggravés en cherchant à justifier l'usage de la torture selon les circonstances, puis en remettant en cause la convention de Genève sur le traitement des prisonniers de guerre. Cette enquête d'un citoyen en colère résiste au temps pour montrer avec éclat que des questions obstinées peuvent dégonfler les pires mensonges d'État. Elle rappelle aussi combien risquent les démocraties à oublier leurs valeurs au nom de ce que leurs dirigeants présentent comme la nécessité. (Source ARTE)