Tunisie. Rachid Ammar, le centurion du peuple

Publié le par Un monde formidable

Rachid Ammar, le centurion du peuple par Isabelle Lassere (Le Figaro. 32/01/11)

À 63 ans, le chef d'état-major de l'armée de terre qui a été limogé est devenu l'un des héros de la «révolution» tunisienne.

Il y a quelques semaines, son nom était inconnu du grand public. Aujourd'hui sa photo, un immense sourire aux lèvres, s'affiche sur la plupart des blogs qui suivent l'évolution de la situation à Tunis. A 63 ans, le général Rachid Ammar est devenu l'un des héros de la «révolution» tunisienne.

Le chef d'état-major de l'armée de terre a été limogé par le gouvernement tunisien le 12 janvier pour avoir refusé de donner l'ordre à ses soldats de tirer sur la foule et exprimé des réserves sur la répression menée par la police du régime. Ce même jour, l'armée tunisienne avait été déployée à Tunis et dans sa banlieue pour la première fois depuis le déclenchement des affrontements. Mais le général Rachid Ammar a prévenu Ben Ali que «l'armée ne tire pas sur le peuple». C'est aussi lui qui aurait conseillé à Zine el-Abidine Ben Ali de s'en aller, lui assurant que son heure était terminée. Il a, selon des sources bien informées, fait pression sur l'ancien Président en lui affirmant, vendredi 14 janvier, qu'il ne pourrait bénéficier que d'un créneau aérien de trois heures pour quitter le pays...

Même si peu de détails ont pour l'instant filtré du palais présidentiel concernant les derniers jours de Ben Ali à Carthage, plusieurs partis d'opposition, notamment le Parti démocratique progressiste (PDP), considèrent que l'armée a joué un rôle décisif dans l'éviction du président. Et que le général Ammar, en ayant eu le courage de s'opposer à Ben Ali, a donné le coup de grâce au régime. Il a joué un «rôle déterminant» du «côté de la transition», a affirmé Néjib Chebbi, le fondateur du PDP. Avec l'aide de quelques amis... L'armée tunisienne ayant été formée par les Américains, le général Ammar a toujours entretenu de bonnes relations avec Washington. Selon des sources proches du dossier, il aurait été en connexion directe avec les autorités américaines pour tenter de convaincre Ben Ali de quitter le pouvoir.

Fondée en 1957, l'armée tunisienne a hérité de la présidence Bourguiba une forte tradition de non-ingérence dans les affaires politiques. Elle a ensuite été marginalisée par Ben Ali, pourtant lui-même militaire, au profit de la police dont les effectifs, environ 150.000 hommes, ont été multipliés par quatre depuis son arrivée au pouvoir fin 1987. Face aux hommes du ministère de l'Intérieur, qui ont éxécuté les basses besognes du régime depuis le début de la crise, l'armée affiche à peine 35.000 soldats, dont 27.000 pour l'armée de terre. Sous-dimensionnée, elle est aussi sous-équipée et ne possède, par exemple, qu'une douzaine d'hélicoptères. Tenue à l'écart des affaires du pays sous Ben Ali, l'armée tunisienne a toujours été républicaine. L'amiral Jacques Lanxade estime qu'elle constitue même un «élément stabilisateur et modérateur» du régime. Pour l'ancien ambassadeur de France à Tunis, «ce n'est pas une armée de coup d'Etat». Même si, depuis mardi, le chaos politique a relancé de plus belle les rumeurs d'une prise du pouvoir par les militaires...


 

L'Afrique de l'Ouest crève l'abcès de la Côte d'Ivoire par Arnaud Rodier (Le Figaro. 24/01/2011)

Le président de la Banque centrale, accusé d'aider le régime de Laurent Gbagbo, a été obligé de démissionner.

Les chefs d'Etat de l'Afrique de l'Ouest n'ont pas tranché de gaîté de coeur. Enfermés toute la journée de samedi dans le centre de conférences de Bamako, au Mali, le visage tendu lors de leurs rares apparitions en public, ils ont finalement sacrifié le gouverneur de leur Banque centrale sur l'autel de l'unité.  Philippe-Henri Dacoury-Tabley, placé la veille sur la liste noire de l'Union européenne, et privé de visa, pour avoir aidé le président sortant de la Côte d'Ivoire, Laurent Gbabo, à sortir de l'argent malgré l'interdiction des ministres de Finances de l'Uémoa (Union économique et monétaire ouest-africaine) a accepté, visiblement blessé, de démissionner. Un autre gouverneur, désigné par le président élu, Alassane Ouattara, sera nommé à la tête de la Banque centrale des Etats de l'Afrique de l'Ouest (BCEAO) lors d'une conférence extraordinanire de l'Union prévue à ,Lomé, au Togo, à la fin du premier trimestre.La réaction du clan Gbagbo ne s'est pas faite attendre. Il juge «dangereux de mêler la politique aux affaires monétaires et financières» et va saisir la Cour de justice de l'Uémoa.

Mais la crise en Côte d'Ivoire commence à coûter beaucoup trop cher à l'Afrique de l'Ouest pour qu'elle puisse la laisser durer. Elle est «préjudiciable aux efforts déployés pour construire un espace économique intégré» et nuit au «bon fonctionnement du système financier et de l'économie régionale», avertit l'Uéoma. Elle risque de peser sur son produit intérieur brut alors que la région a connu un taux de croissance de 4,3% l'an dernier. Elle va se traduire par une poussée d'inflation de 3% à 5%, selon Abdoulaye Bio-Tchane, président de la Banque ouest-africaine de Développemen( BOAD).

Candidat, lui-même, aux élections présidentielles du Bénin, il sera remplacé prochainement par son concitoyen Christian Adovelande, et c'est sans doute pour pour ne pas déstabiliser davantage l'Union que le président de la Commission de l'Uémoa, Soumaïla Cissé, égalemant candidat aux présidentielles au Mali, a vu son mandat prolongé jusqu'à la cession extraordinaire de mars.  Car si les huits pays de l'Uémoa s'en sortent plutôt bien grâce aux activités minières et aux travaux public, leur croissance est inégalement répartie: 5,8% au Mali, 5,5% au Burkina-Faso, 4,6% au Niger, 4,5% en Guinée-Bissau, 3,5% au Togo, 3,4% au Sénégal, 3% en Côte d'Ivoire et 2,8% au Bénin. Et ils peinent à construire le marché commun qu'ils souhaitent. Les problèmes de visas compliquent les déplacements faute d'harmonisation et un document unique n'est pas près de voir le jour tant les ressources qu'ils procurent à chacun sont importantes. Le transport,effectué pratiquement exclusivement par la route parce que les lignes ferroviaires son vétustes et pour beaucoup abandonnées, est l'objet de rackets incessants. La corruption et la contrebande sont partout monnaie courante. L'an dernier, l'Uémoa a officillement enregistré plus de trente plaintes concernant à peu près tous les secteurs de l'agriculture et de l'industrie. Mais elles ne sont que la partie visible de l'iceberg. A l'heure où le Mali se prépare à céder la présidence de l'Uémoa au Togo, les chantiers encore en friches sont colossaux.

 

Publié dans Afrique du Nord

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