Somaliland. À l’Union africaine de montrer le chemin

Publié le par Un monde formidable

Somaliland*: À l’Union africaine de montrer le chemin (Source: International Crisis Group - Extraits Rapport Afrique N°110 
23 mai 2006 - Hargeisa/Addis Abeba/Bruxelles, le 23 mai 2006)

Le 18 mai 2006, la République autoproclamée du Somaliland a célébré le quinzième anniversaire de son indépendance de la Somalie. Bien qu’aucun autre état n’ait encore reconnu cette république, le fait qu’elle soit une démocratie constitutionnelle fonctionnelle la distingue des autres entités séparatistes en Afrique.

Des gouvernements africains et occidentaux, de plus en plus nombreux, ont fait preuve de solidarité envers la cause du Somaliland. La paix et la stabilité qui règnent sur son territoire offrent un contraste saisissant avec la majeure partie du sud de la Somalie, en particulier avec la capitale, Mogadiscio, qui est plongée dans l’anarchie et où des affrontements entre milices rivales ont récemment fait des dizaines de victimes.

En décembre 2005, le président Dahir Rayale Kahin a présenté la candidature du Somaliland au statut de membre de l’Union africaine (UA). Cette revendication du statut d’État repose d’une part sur le fait que ce territoire avait, pendant la période coloniale, un statut distinct de ce qui est depuis devenu la Somalie, et d’autre part sur son existence en tant qu’État souverain durant une courte période après son indépendance de la Grande-Bretagne en juin 1960. Après avoir délibérément formé une union avec la Somalie en vue d’atteindre le rêve irrédentiste d’une “Grande Somalie” (incluant une partie de l’Éthiopie, du Kenya et de Djibouti), le Somaliland recherche désormais la reconnaissance des frontières dont il a hérité au moment de l’indépendance.

Malgré la crainte que cette reconnaissance pourrait mener à la fragmentation de la Somalie et d’autres états membres de l’UA, une mission d’information de l’Union africaine en 2005 a conclu que la situation était suffisamment “unique et auto-justifiée dans l’histoire politique africaine” et que “cette affaire ne devrait pas mener à ‘l’ouverture d’une boîte de Pandore’”. Elle a recommandé à l’UA de “trouver une méthode spécifique pour traiter ce problème en souffrance” aussitôt que possible. Le 16 mai 2006,.

Le Somaliland a fait des progrès notables pour établir la paix, la sécurité et la démocratie constitutionnelle à l’intérieur de ses frontières de fait. Des centaines de milliers de personnes déplacées et réfugiés sont rentrés chez eux, des dizaines de milliers de mines antipersonnel ont été retirées et détruites, et les milices claniques ont été intégrées au sein de la police et des forces armées unifiées.

Un système politique multipartite et une succession d’élections concurrentielles ont fait du Somaliland une rareté dans la Corne de l’Afrique et le monde musulman. (…)

(…) Des diplomates européens ont mis en garde Crisis Group contre le danger d’une déstabilisation du processus de paix dans le sud par la simple évocation à ce stade de la question du Somaliland. inévitable mais elle est assez concrète pour mériter de toute urgence l’attention de l’Union africaine.

La plupart des somaliens du sud sont viscéralement attachés à la notion d’une République somalienne unie, alors qu’au Somaliland, nombreux sont ceux qui, marqués par l’expérience de la guerre civile, la fuite et l’exil, ne parlent d’unité qu’au passé. Pour toute une génération de jeunes somalilandais, qui n’a aucun souvenir de la Somalie unie à laquelle les jeunes somaliens du sud sont si attachés, la souveraineté du Somaliland est une question d’identité. (…)

Quatre questions essentielles se posent:

- Le Somaliland devrait-il être récompensé pour avoir créé stabilité et gouvernance démocratique dans une partie de ce chaos qu’est l’État failli de Somalie?

- Récompenser le Somaliland soit par l’indépendance soit par une autonomie significative compromettrait-il les chances de la Somalie d’accéder à la paix ou mènerait-il à des affrontements territoriaux?

- Quels sont les perspectives d’une préservation pacifique de la République somalienne unifiée?  

- Quelles seraient les implications de la reconnaissance du Somaliland sur les autres conflits séparatistes sur le continent?

Ces questions doivent être traitées fermement, à travers un débat ouvert et une analyse dépassionnée des problèmes et options disponibles, plutôt que d’être ignorées dans l’espoir qu’elles disparaîtront (politique de l’autruche). “L’Union africaine ne peut faire comme s’il n’y avait pas problème”, a déclaré un diplomate de la région à Crisis Group. “On ne peut pas continuer à tirer ce problème en longueur indéfiniment. Il faut trouver une solution”. La candidature du Somaliland à l’UA offre un point d’entrée pour la diplomatie préventive. (…)

* Le Somaliland est un territoire  situé au nord-ouest de la Somalie dans la corne de l'Afrique. Le 18 mai 1991, les clans du nord se séparent de la Somalie et proclament l'indépendance de la République du Somaliland qui comprend les régions administratives de AwdalTogdheerSanaagSaaxilSool et Woqooyi Galbeed. Ces régions sont situées entre l'ÉthiopieDjibouti et le Golfe d'Aden, une superficie d'environ 137 600 km². La population est estimée à 3,5 millions, dont le clan des Issak forme la majorité et les Gadaboursi et les Darod sont des clans minoritaires. La capitale du Somaliland est Hargeisa avec une population d'environ 400 000 habitants.

Publié dans Afrique de l'Est

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