Serbie. Deux millions d’armes en circulation
Serbie : deux millions d’armes en circulation Par Danijela Vukosavljević. Traduit par Jasna Andjelić (Le Courrier des Balkans. 1er juillet 2009)
En Serbie, les bagarres de comptoir se finissent parfois en fusillades. En cause, les deux millions d’armes à feu en circulation sur le territoire de la République de Serbie depuis les guerres des années 1990. Les campagnes de restitution organisées par le gouvernement ne donnent que peu de résultats et les citoyens serbes ne semblent pas s’inquiéter d’une législation qui prévoit de faibles sanctions pour punir la possession illégale d’armes à feu.
(...) D’après les données de la police, les Serbes possèdent deux millions d’armes dans leurs arsenaux privés dont 1,1 millions enregistrées légalement par 800.000 personnes. La moitié des armes enregistrées sont des pistolets et des revolvers, l’autre des fusils. Les données de la police serbe indiquent une importante augmentation du nombre d’armes en circulation : on en enregistre 15.000 tous les ans.
(...) Les armes non-déclarées constituent un problème épineux pour le ministère de l’Intérieur. La disponibilité et l’accessibilité générale des armes à feu, y compris pour les mineurs, menace la sécurité des citoyens serbes. Nos interlocuteurs dans la police ajoutent que le pistolet est l’arme la plus utilisée dans les délits graves, tels que les meurtres, les intimidations, les cambriolages et les tentatives de meurtre, tandis que les fusils sont préférés lors d’activités illégales plus vastes.
La population serbe tire facilement et rapidement. Les exemples sont nombreux. Dernièrement, un règlement de comptes entre le patron du café Cigra de Mali Mokri Lug et cinq de ses clients. Bilan un mort et quatre blessés. À l’origine de la rixe, les protestations des clients qui trouvait la bière trop tiède. Pas un règlement de compte mafieux mais un simple différent qui aurait pu se terminer en simple bagarre. (...) Il arrive souvent que les amateurs d’armes à feu possèdent des pièces non enregistrées, en plus de celles répertoriées. Damir Dokić, le père de la joueuse de tennis Jelena Dokić, a ainsi été inculpé parce que la police de Sremska Mitrovica a découvert dans sa maison sept fusils de chasse et des pistolets Berreta déclarés, mais également deux bombes et 20 balles de calibre 357 qu’il possédait illégalement.
Une saisie réalisée l’année dernière par la police de la ville de Kikinda prouve que les maisons sont parfois remplies d’explosifs, de pistolets et de fusils. Par exemple, un homme de soixante ans de Banatska Topola possédait une mitrailleuse « М-84 » de calibre 7,62 mm, un fusil automatique « М-70 » produit par l’usine Zastava de Kragujevac, 292 balles pour la mitrailleuse, deux bombes « М-52 » et 218 balles de fusil automatique. Il a raconté avoir rapporté son arsenal de la guerre en Bosnie et de l’avoir gardé dans son atelier à côté de la maison.
Ses explications corroborent les conclusions de différentes études serbes et étrangères sur les armes à feu. En effet, outre de pénibles souvenirs, les guerres en ex-Yougoslavie, le conflit du Kosovo et les bombardements de l’Otan ont laissé des traces en Serbie. Pendant ces conflits, des armes étaient distribuées à tous ceux voulaient « aider le peuple », sans aucune limite ni sélection. Les guerres terminées, chacun a rapporté chez lui au moins un « souvenir » : une Kalachnikov, des bombes et même des explosifs... Beaucoup de Serbes possèdent donc des armes en raison des conflits des années 1990 mais aussi parce que les traditions nationales glorifient le port et l’usage d’armes. Et aucune mesure concrète n’a été prise pour régler ce problème.
Chaque personne peut obtenir un permis de port d’armes à condition d’avoir suivi une formation, d’être majeur, capable d’assumer une profession et de ne pas avoir fait l’objet d’une condamnation portant sur la Loi sur l’ordre public et la Loi sur les armes, d’une procédure pénale ou d’infraction. L’achat de munitions, jusqu’à 60 pièces par an, demande également un permis officiel. La législation en vigueur interdit de posséder des armes sans avoir de permis. Pourtant, les citoyens serbes ne semblent pas se préoccuper de ces règles, car les sanctions prévues en cas de non respect de ces dispositions légales sont très faibles. Le Code pénal serbe prévoit une peine de trois ans de prison maximum pour la possession d’armes sans permis. Le port d’une arme automatique, à gaz ou explosive, peut entraîner jusqu’à cinq ans de prison. Les armes sont transportables sans permis spécifiques, si elles sont démontées et séparées des munitions.
L’État a organisé plusieurs actions de légalisation et de restitution d’armes, mais elles n’ont pas donné les résultats escomptés. Le Décret du gouvernement serbe du 18 janvier 2007 permet pourtant à des personnes physiques et morales d’enregistrer et de remettre leurs armes illégales. Mais seulement 8.000 citoyens ont demandé depuis le permis pour leur armes non déclarées. Il s’agissait, pour la plupart, de pistolets, de revolvers et de fusils de chasse. À cette occasion, moins de 1.000 pièces ont été remises à la police. La plus grande restitution d’armes à feu en Serbie a eu lieu durant l’action policière « Sabre » qui a suivi l’assassinat du Premier ministre Zoran Djindjić. A l’époque, la police avait confisqué environ 10.000 pièces et les citoyens en avaient remis volontairement 35.304. 23.484 personnes avaient aussi déposé des demandes pour faire enregistrer leurs armes.
Industrie de l’armement en Serbie : la crise ? Connais pas ! Traduit par Philippe Bertinchamps (Source : Le Courrier des Balkans. 9 juin 2009)
En Serbie, l’année dernière, les exportations d’armes et de matériel militaire ont atteint le chiffre record de 400 millions d’euros. Les prévisions pour cette année sont de 500 millions d’euros. Cinq des six principales fabriques d’armes ont déjà vendu la totalité de leur production.
Cette année, la fabrique d’armes de petits calibres et de chasse Zaztava Oružje prévoit d’exporter pour une valeur totale de 30 millions de dollars, soit 30% de plus que l’année précédente. Selon son directeur, Rade Gromović, l’usine bénéficiera de devises fortes grâce à l’exportation d’armes d’infanterie aux forces de l’ONU et aux structures de sécurité en Irak, en Afghanistan, et dans d’autres régions en crise. L’usine a également signé des contrats de livraison d’armes de chasse, de sport et de défense avec les USA. La valeur de ces exportations est de 2.2 millions de dollars.
Les exportations de l’usine Krušik à Valjevo, qui fabrique des munitions de gros calibres, des roquettes et des bombes, s’élèvent à 20 millions de dollars. Cette année, l’usine livrera des armes pour un montant de 40 millions de dollars. « En ce moment, le contrat le plus important, d’une valeur de 32 millions de dollars, est avec l’Irak, mais nous exportons aussi vers l’Union européenne », a déclaré son directeur, Jovan Davodvić.
L’usine Milan Blagojević de Lučani, qui fabrique des poudres et des explosifs, exporte environ 70% de sa production vers 26 pays, de l’Inde à l’Amérique du Sud. L’année dernière, ses exportations avoisinaient les 20 millions de dollars. Les prévisions pour cette année sont de 27 millions de dollars.
Quant à Prva iskra de Barič, l’une des plus grandes usines d’engins explosifs au monde avant les bombardements de 1999, elle fabrique aujourd’hui principalement des munitions et des bombes.