NEPAD. La politique des sommets gigognes

Publié le par Un monde formidable

La politique des sommets gigognes par Kharroubi Habib (le quotidien d’Oran 03/07/09)

Depuis le lancement de l'initiative dite du NEPAD, dont les géniteurs sont les chefs d'Etat de l'Algérie, de l'Afrique du Sud, du Nigéria, de l'Egypte et du Sénégal, les sommets de l'Union africaine sont rituellement précédés par celui des chefs d'Etat et de gouvernement des pays membres du comité chargé de la mise en oeuvre de cette initiative. En somme, un «sommet dans le sommet», que certains pays qui en sont «exclus» ne considèrent pas d'un bon oeil, allant jusqu'à y voir une tentative de la part des Etats initiateurs d'asseoir leur leadership sur la conduite des affaires continentales.

D'où le débat ouvert avec récurrence dans les sommets de l'Union sur l'opportune obligation d'intégrer le NEPAD au sein de l'autorité de l'Union africaine. Autrement dit, le dessaisissement des «pères putatifs» de sa mise en oeuvre et de son suivi au profit des instances organiques de l'Union, seules habilitées à parler et agir au nom de l'ensemble de ses membres. Le «hic» toutefois est que les Etats constituant l'Union africaine ne sont pas tous parties prenantes de cette initiative, dont certaines des obligations ne cadrent pas avec la vision de la gouvernance qu'ont leurs dirigeants en exercice respectifs. Et c'est là le talon d'Achille de la démarche que les principaux chefs d'Etat du continent ont lancée pour convaincre la communauté internationale que le continent africain veut en finir avec ses «vieux démons», source des problèmes endogènes qui ont plombé son développement et son intégration dans les courants des échanges mondiaux.

La logique voudrait effectivement que l'initiative du NEPAD soit intégrée au sein de l'autorité de l'Union africaine. Sauf que ceux qui s'y opposent ou considèrent prématurée qu'elle le soit, n'ont pas absolument tort, en regard du risque de dévalorisation qu'elle encourt si la mise en oeuvre est prise en charge par cette autorité ne fonctionnant que sous la règle du consensus. Lequel obstacle serait paradoxalement levé si le sommet de l'Union décide d'adopter et de mettre en place l'autorité continentale telle que la conçoit et propose le leader libyen Mouammar Kadhafi.  Une autorité en fait qui, dans la conception de celui-ci, serait un gouvernement du continent aux pouvoirs supranationaux. Vaste ambition qui rejoint et relaie, des décennies après, celle qu'ont nourrie les héros mythiques du «panafricanisme» que furent le Ghanéen Kwame Nkrumah, le Malien Modibo Keika, l'Algérien Ahmed Ben Bella ou l'Egyptien Gamal Abdel Nasser. Le problème est que leurs lointains successeurs continentaux n'éprouvent qu'une attirance de façade pour la perspective d'une Afrique unie, formant un ensemble dans lequel leur pouvoir national autocratique se diluerait forcément. L'initiative du NEPAD, qui se veut une démarche de conviction, n'est pas parvenue à rallier la majorité d'entre eux. Alors qu'en sera-t-il de la proposition de Mouammar Kadhafi qui entend les placer sous une autorité supranationale qui aurait pour rôle de concevoir et de mettre en oeuvre des politiques et des stratégies s'imposant à l'ensemble des Etats du continent ?

Il reste que pour l'Africain lambda, le spectacle de ces «sommets dans le sommet» de son Union sont l'indice que celle-ci est encore virtuelle et que la tenue de «messes rituelles» qui se pratiquent en son nom sacrifient au goût du spectacle plutôt qu'à une volonté de construire l'avenir du continent

Publié dans Afrique

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