Libéria. Vérité et réconciliation

Publié le par Un monde formidable

Vérité et réconciliation au Liberia.par Bernard Zangré (L’Observateur. Ouagadougou. 05/07/09)

 Au Liberia, les armes se sont tues, mais Ellen Johnson Sirleaf, l’amazone du Programme des Nations unies pour le Développement (PNUD) qui préside à ses destinées depuis le 16 janvier 2006, règne sur un cimetière : elles sont des milliers, les victimes de l’ignoble guerre civile qui y gisent, pendant que les vautours s’en éloignent, repus de lingots d’or et de boules de diamant

Au nom de la paix...Et des victimes, nous retiendrons les présidents William Tolbert et Samuel K. Doe, soldant leur différend dans l’au-delà, au moment où leur pays, malgré tout, renoue avec la paix et la stabilité. En tout cas, la trêve semble porteuse, mais les survivants refusent d’oublier. D’où cette Commission vérité et réconciliation (TCR) qui, au terme de trois ans d’investigation, a transmis son rapport le 30 juin 2009 au Parlement libérien.

Un riche catalogue d’accusations et de recommandations, à l’avenir encore incertain, qui accable aussi bien les vivants que les morts dont les seuls noms rappellent les sombres années de l’enfer libérien, qui dura de 1979 à 2003. Si l’on est en droit de saluer la noblesse de la mission confiée à la Commission vérité et réconciliation et de se féliciter du travail de fourmi qu’elle a exécuté, par contre, l’on ne peut s’empêcher de s’interroger sur le refus de trois des huit membres de ladite commission de signer ledit rapport.

Un refus qui trouve son précédent au "Pays des hommes intègres" où, en 1999, quelques membres de la Commission d’enquête indépendante (CEI) refusèrent de parapher le rapport qu’ils ont eux-mêmes pondu sur l’assassinat, le 13 décembre 1998, du journaliste Norbert Zongo. Mais, si au Faso un non-lieu a été prononcé dans l’affaire Norbert Zongo, au Liberia, si prêt et si loin de nous, au nom de la paix et de la stabilité retrouvées, même hypothétiques fussent-elles, l’encyclopédie des enquêteurs semble déjà promise aux archives nationales.

Car bien des coupables sont encore au sommet de l’Etat ou des partis politiques, priés aujourd’hui de former à Monrovia un tribunal spécial devant juger les ex-chefs de guerre, les commandants militaires lors de la guerre, coupables d’acte des plus graves, et les responsables de crimes économiques.

Last but not least, la recommandation qui pourrait remettre le feu aux poudres porte sur les sanctions publiques qui devraient s’abattre sur une cinquantaine de personnes, complices des groupes armés, qui seraient interdites de briguer des mandats électifs ou d’occuper des fonctions publiques, ce, pendant 30 ans. Il ne fait pas de doute que les parlementaires, sur qui pend l’épée de Damoclès, ne se bousculeront pas pour voter une telle loi qui rime avec arrêt de mort politique, et ce n’est pas Ellen Johnson Sirleaf, le président en jupe, installée solidement au banc des accusés, qui y donnera son onction suprême.

Hélas, paix donc aux âmes des victimes de cette sale guerre. D’ailleurs, au Faso comme au Liberia, les vaincus ont-ils d’autre choix que de s’en remettre au bon Dieu ? Mais tôt ou tard, l’histoire rendra son jugement pour les générations montantes.

La présidente serait impliquée dans la guerre civile libérienne par Falila Gbadamassi (Afrik.com. 7 juillet 2009),

La présidente libérienne, Ellen Johnson Sirleaf, rattrapée par son passé politique. Dans son rapport final, publié lundi, la Commission Vérité et Réconciliation, recommande qu’elle soit écartée de toute fonction officielle pendant 30 ans. Selon l’organe, elle a joué un rôle dans la guerre civile qu’a traversé son pays entre 1989 et 2003.

La présidente Ellen Johnson Sirleaf pourrait être en difficulté si les recommandations de la Commission Vérité et Réconciliation sont votées par l’Assemblée nationale libérienne, dominée par l’opposition. Dans le rapport final rendu lundi, la commission a établi une liste de personnalités, qui, selon elle, « doivent être interdites d’occuper des fonctions officielles pour une période de trente ans, à compter du jour où le rapport sera approuvé par le Parlement » pour leur implication dans les guerres civiles qu’a connues le Liberia entre 1989 et 2003. La période sur laquelle porte les investigations de la Commission. Le chef de l’Etat libérien est cité au nombre « des financiers et des leaders politiques » des différentes factions qui ont pris part au conflit armé. Entendue par la Commission en février dernier, Ellen Johnson Sirleaf avait avoué qu’elle avait rencontré à maintes reprises Charles Taylor (président du Liberia de 1997 à 2003) durant la guerre civile. De même, elle a reconnu qu’elle avait collecté des fonds pour le chef de guerre quand il préparait un coup d’Etat contre le président Samuel Doe au début des années 80. Ellen Johnson Sirleaf a exprimé ses vifs regrets devant la Commission pour son soutien à Charles Taylor.

Outre la présidente, plusieurs membres de son gouvernement ont été épinglés par la Commission Vérité et Réconciliation installée en 2006. Huit chefs de guerre sont également dans son collimateur. Elle préconise leur inculpation pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité et la mise en place d’un tribunal spécial pour le Liberia où ils seront jugés. Parmi eux, Charles Taylor. Il fait déjà l’objet d’une procédure judiciaire pour sa participation au conflit armé (1991-2001) dans l’Etat voisin de la Sierra Leone. Il été arrêté le 29 mars 2006, puis transféré à La Hague pour être jugé devant le Tribunal spécial pour la Sierra Leone (TSSL). Il est accusé d’avoir soutenu le Revolutionary United Front (RUF) de Foday Sankoh, impliqué dans la guerre civile.

Ellen Johnson Sirleaf n’a pas encore réagi aux recommandations de la Commission. Son porte-parole Cyrus Badio a indiqué à la BBC que la présidente prenait le temps de prendre connaissance de l’intégralité du document. Première femme africaine élue présidente en 2005, le pouvoir d’Ellen Johnson Sirleaf vient de recevoir un coup de massue. 

Publié dans Afrique de l'Ouest

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