L’inéluctable passage du cinéma au numérique

Publié le par unmondeformidable

L’inéluctable passage du cinéma au numérique par Elsa Duperray (Source Le Temps.Ch. 14 mars 2009) Alors que les Etats-Unis font pression pour que l’Europe opère sa mue numérique, la Suisse tente de rattraper son retard. D’ici trois ans, 300 salles devront être équipées. Pour beaucoup, cette révolution risque d’être difficile.

«La numérisation des salles est irrémédiable», affirme Roland Perrière. L’exploitant des Scalas, à Genève, n’a pas encore équipé ses trois salles des nouveaux projecteurs numériques 2K. «Trop cher.» Comme pour beaucoup d’autres «petites» salles. Dans les multiplexes, au contraire, le passage au numérique a commencé dans quelques salles. «Elles seront toutes équipées d’ici deux à trois ans», note Brian Jones, directeur général d’exploitation de Pathé Suisse. Un décalage dû au financement pour lequel rien n’est encore prévu officiellement, mais pour lequel des solutions doivent rapidement être trouvées, sous peine de menacer, à terme, la diversité de l’offre. Et d’entraîner la disparition des salles indépendantes et de certains petits métiers.

De quoi parle-t-on au juste? De passer du format pellicule – ces bonnes vieilles bobines – à la copie digitale. Donc, d’équiper les 550écrans suisses d’un projecteur numérique 2K et de reléguer définitivement les projecteurs 35mm au placard. Une technique qui apporte, pour certains, haute définition, qualité du son et 3D, pour d’autres une image plus plate, moins de profondeur de champ. Inéluctable? Les Etats-Unis ne produisent presque plus que dans ce format. D’où leur pression pour faire s’équiper les salles européennes.

Retour aux Scalas. «L’installation coûte entre 100000 et 150000francs (suisses), détaille Roland Perrière. Auxquels s’ajoutent le service et la maintenance. J’ai trois salles, il suffit de faire le calcul. De plus, ces appareils prennent énormément de place, que je n’ai pas.» En attendant, Les Scalas utiliseront les deux systèmes, simultanément, le temps de s’adapter. La question du financement est centrale. Et, côté réponse, la Suisse balbutie encore quand la France réfléchit à un système mutualisé de passage au cinéma digital, ou d-cinéma. «Ce n’est pas à nous de prendre en charge l’investissement, proteste Roland Perrière. On doit trouver une solution avec les distributeurs, qui doivent participer aux frais, et avec l’Etat. Le risque est grand de voir mourir les indépendants fragiles, et il y aura peut-être moins de films proposés au public.»

Une solution est aujourd’hui proposée par des sociétés spécialisées dans le cinéma digital, des tiers opérateurs, tels Ymagis en France, Arts Alliance aux Etats-Unis ou XDC en Europe. Ces dernières proposent du matériel en leasing ou en Virtual Print Fee. VPF? Frais de copies virtuelles. Le principe? Pour l’exploitant, payer seulement 20 à 30% de l’équipement et ensuite verser une taxe par film projeté en d-cinéma. Ce procédé est considéré par certains comme dangereux. A long terme, il y aurait un risque pour l’exploitant de se voir imposer, dans son contrat, un catalogue de films d’un distributeur qui serait en partenariat avec ces sociétés spécialisées. «Ce qui est déjà le cas», confirme Adeline Stern, du cinéma Royal de Sainte-Croix. «On paiera une taxe supplémentaire si on ne passe pas un film du catalogue. Ce n’est pas clair du tout, c’est malhonnête.» «Impossible, rétorque une responsable de XDC. Nous n’imposons aucun catalogue. Nous avons simplement signé avec certaines majors pour faciliter le prélèvement du VPF. Soit nous avons un contrat avec le distributeur, et on facture directement le VPF. Soit on n’a pas de contrat avec le distributeur du film et l’exploitant doit signaler qu’il compte projeter le film, que nous lui facturerons.»

Pour Laurent Dutoit, qui représente les distributeurs indépendants, ce n’est pas «le principe qui est remis en cause», mais certains «détails» qui ne collent pas forcément à un territoire comme la Suisse. «Actuellement, la même copie 35mm passe de Vevey à Ai­gle, à La Chaux-de-Fonds, et ainsi de suite dans huit à dix villes. Or avec le numérique on veut faire payer au distributeur chaque cinéma dans lequel le film passe, ce qui n’est financièrement pas supportable pour les indépendants. Il faut que toute la branche s’allie pour trouver une solution solidaire et équitable afin que tous les exploitants de salles et les distributeurs paient le même prix, comme c’est le cas aujourd’hui avec la pellicule. A l’heure actuelle, on établit des propositions.»

Pour les grands groupes, le basculement vers le numérique est plus aisé. «Nous finançons nous-mêmes les salles, mais cet investissement se fera en partie avec les distributeurs, explique Brian Jones, de Pathé Suisse. Une négociation au niveau international est en cours.» Et qui dit digital dit 3D, «qui devrait arriver bientôt», sourit Brian Jones. Peut-être même pour la sortie de Monsters vs Aliens, le 1er avril prochain.

Une échéance: Avatar, que James Cameron ne sortira qu’en numérique, rappelle Laurent Dutoit. Pas d’autre choix que de s’équiper. Sortie: décembre 2009. «Si les Etats-Unis continuent à faire pression ainsi, s’exclame Adeline Stern, et que nous ne sommes pas équipés, je ne passerai plus de films américains. Tant pis. Et, si aucune solution de financement n’est trouvée, on risque d’aller droit dans le mur.»

Vers une numérisation des salles de cinéma. Par Morgane Batellier

Le passage au numérique des salles de cinéma est à l’heure actuelle l’un des sujets les plus « brulants » du cinéma. En effet, en France, mais aussi dans le monde entier, le passage au numérique devient nécessaire. C’est pour cela que, comme le dit Gwendal Auffret, directeur général de l’AAM, « il faut équiper une centaine de salles pour la France, niveau atteint à travers le deal avec CGR ». 

La numérisation, vecteur de transformation, permet à l’industrie cinématographique de faire un grand pas en avant. En effet, fini les appareils de projection 35 mm, coûteux en frais de tirage, et ne garantissant pas une qualité d’image des plus performantes. Les exploitants, munis en projecteurs et en serveurs, peuvent ainsi présenter leurs films en numérique. Le fonctionnement est simple : l’exploitant commande son film qui, étant en fichier numérique, est nettement moins coûteux que les bobines 35 mm (on passe d’une copie de 25 kg à 1200€ à une copie numérique ne coûtant pas plus de 200€). Ce fichier est accompagné d’une clé (KDM) qu’il faut activer et qui permet de projeter le film dans des dates données. Une fois cette date dépassée, il suffit à l’exploitant de demander au distributeur une autre clé. Cela permet donc à l’exploitant de passer les films de son choix, qu’ils soient à l’affiche ou non. On peut ainsi imaginer que, dans quelques années, le public pourra devenir acteur du cinéma et ainsi influencer sur les programmations. L’offre s’élargit donc. En effet, il est fortement possible qu’un nouveau marché se développe, projetant des matchs sportifs ou des concerts dans des salles de cinéma.

Mais la numérisation a néanmoins quelques limites. En effet, ce projet coûteux (70 000€ par équipement) n’est pas rentable à court terme, même si l’investissement sera amorti à long terme. Ce premier point décourage déjà un grand nombre de cinéma qui n’a pas les moyens de se payer le matériel. Ensuite, cette nouvelle technologie est en plein essor. Des mises à jour ou modifications pourront donc apparaître, ce qui obligerait les exploitants à réinvestir dans de nouvelles machines. Enfin, certains exploitants doutent. En effet, des contrôles et censure pourraient être faits (sans clé, l’exploitant de peut pas projeter un film).

La numérisation des salles de cinéma, grand projet d’envergure, promet au cinéma un bel avenir. Cependant, n’étant qu’au début d’une nouvelle « ère cinématographique, peut-être serait-il judicieux de la part des exploitants d’attendre un peu avant de s’équiper, ou de n’équiper qu’une ou deux salles.

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