Israël. Falash Mura, Falachas, Beta Israël

Publié le par Un monde formidable

8 000 Falash Mura autorisés à émigrer en Israël(AFP.22.11.2010)

Après des années de tergiversations, le gouvernement de Benyamin Nétanyahou vient d'autoriser quelque 8000 Falash Mura éthiopiens à faire l'Aliya [élévation spirituelle ; ascension] et rejoindre Israël, rapporte le site éthiopien d'information Nazret. Descendants de tribus juives christianisées au XIXe siècle, les Falash Mura désignent en fait des "Juifs renégats", qui se sont convertis sous la contrainte ou pour s'intégrer à la religion dominante en Ethiopie. Actuellement regroupées dans un camp de l'Agence juive d'Ethiopie dans la région de Gondar, les 7 846 personnes concernées, représentant 1 854 familles, émigreront à raison de 200 par mois sur une période de trois ans. Elles devront néanmoins suivre un enseignement rabbinique et se (re)judaïser pour intégrer la communauté éthiopienne en Israël, déjà forte de 120 000 membres mais qui a de grosses difficultés d'intégration, faisant l'objet d'un racisme particulier. 

Les Falachas ou Beta Israël (Source milan.blog.lemonde.fr.06 avril 2005)

Le nom de Falacha (ou Falasha) proviendrait du substantif guèze falasi, tiré du verbe fälläsä, “émigrer”, “errer” ou “s’exiler”, qui désignait les individus sans accès à la propriété terrienne (au début du 15ième siècle, le roi éthiopien Yeshaq décréta : “celui qui est baptisé dans la religion chrétienne peut hériter de la terre de ses ancêtres ; sinon, qu’il soit un falasi”).
Mais les juifs éthiopiens considèrent ce nom comme péjoratif, et, depuis une date inconnue, ils se désignent du nom de Beta Israël, “maison d’Israël”.

 On ne connaît toujours pas l’origine exacte des juifs d’Éthiopie car il n’existe aucun document fiable sur leur histoire jusqu’au 14ième siècle. La légende en fait les descendants de Ménélik 1er, fils du roi Salomon et de la reine de Saba. Les chercheurs distinguent eux deux familles d’hypothèses : L’une, dite juive, selon laquelle les Beta Israël seraient issus d’un noyau juif présent en Éthiopie (descendants de la tribu perdue de Dan, ou d’une garnison militaire juive stationnée sur l’île d’Éléphantine en Égypte, ou …) qui se serait élargi par mariage mixte et conversion.

Selon l’autre famille d’hypothèses, dite chrétienne, les Beta Israël seraient une population autochtone soumise à une conversion très ancienne ou à un lent processus de distinction religieuse et ethnique à travers les siècles (ils pourraient être issus de groupes chrétiens fondamentalistes ne considérant comme authentique que le Pentateuque et non l’ensemble de la Bible). Des études sur l’ADN n’ont trouvé aucune spécificité génétique des Beta Israël par rapport aux autres populations éthiopiennes et corroborent donc cette hypothèse.

Bien que des explorateurs aient mentionné l’existence des Falachas auparavant (James Bruce en 1790), ce n’est que dans la deuxième moitié du 19ième siècle, lorsque des missionnaires protestants entrent en contact avec eux, que les Beta Israël prennent conscience de leur identité juive, et, réciproquement, que les juifs occidentaux découvrent l’existence de ces juifs noirs.
La judéité des Falachas n’est cependant reconnue qu’en 1973 par le grand rabbin Sépharade d’Israël, puis en 1974 par le grand rabbin Ashkenaze, et enfin par le gouvernement d’Israël en 1975, ce qui leur donne alors la possibilité de bénéficier de la Loi du retour, autorisant tout individu reconnu comme juif à immigrer en Israël.

Depuis lors, plusieurs vagues d’émigration vers Israël ont eu lieu, les plus spectaculaires étant le fait de :

– L’opération Moïse (novembre 1984 – janvier 1985) : 7.700 Falachas ont été évacués de camps de réfugiés au Soudan (avec l’accord secret de ce pays), grâce à un pont aérien.

– L’opération Salomon (24-25 mai 1991) : alors que le régime de Mengistu était sur le point de s’effondrer, 14.200 Falachas ont été évacués en 36 heures vers Tel-Aviv grâce à des avions Hercules C-130.

Il ne resterait désormais plus de Beta Israël en Éthiopie....

Les Falash Mura (Source milan.blog.lemonde.fr.07 avril 2005)

Alors que les autorités israéliennes pensaient que les opérations de transfert des juifs éthiopiens allaient s’achever avec l’opération Salomon, des milliers de personnes sont venues se réfugier à Addis-Abeba, en provenance du Nord de l’Éthiopie, et ont demandé à émigrer vers Israël. Un nouveau vocable est apparu pour désigner ce groupe : les Falash Mura.

Les Falash Mura ne sont pas un groupe homogène, et c’est seulement leur volonté d’émigrer qui les regroupe sous ce vocable. Ils n’appartenaient pas aux communautés Beta Israël organisées, mais se présentent soit comme des descendants de Beta Israël convertis (plus ou moins par obligation), soit comme des Beta Israël assimilés qui ne mettaient pas en avant leur appartenance à leur communauté pour échapper à la stigmatisation dont celle-ci faisait l’objet. Le groupe des Falash Mura inclut aussi des chrétiens de souche mentant sur leur origine, des familles issues de mariages mixtes, …

Les Falash Mura se sont retrouvés au coeur du questionnement identitaire israélien (question de la judéité, problème de la conversion, interprétation de la loi du retour, nature de l’Etat d’Israël).

Pour les laïcs, la loi du retour ne pouvait pas bénéficier aux Falash Mura au prétexte qu’ils se reconvertissaient au judaïsme. Elle doit rester l’expression d’une solidarité juive, laquelle ne peut s’appliquer aux convertis puisqu’ils se sont désolidarisés du peuple juif. Par devoir de solidarité humaine, ils étaient néanmoins favorables au regroupement familial des familles restées séparées entre Israël et l’Éthiopie.


En revanche, pour les religieux, selon la Halakha, l’identité juive est assurée et transmise par la mère et, conversion ou pas, ne peut être annulée. La solution du rabbinat était donc de donner une éducation juive et de reconvertir les Falash Mura.

Au cours des années 1990, le gouvernement israélien a autorisé la plupart des Falash Mura réfugiés à Addis-Abeba à émigrer en Israël, soit au titre de la loi du retour (qui permet à un parent non juif d’un juif israélien d’émigrer), soit à titre humanitaire.
Mais une nouvelle vague de réfugiés se prétendant d’origine Beta Israël a alors été attirée vers Addis-Abeba. Le gouvernement israélien a, dans un premier temps, durcit sa position (fin des années 1990), avant d’accepter finalement (février 2003) que les autorités religieuses israéliennes organisent les conversions officielles au judaïsme des personnes réellement d’origine Beta Israël, et que ces personnes puissent ensuite émigrer vers Israël.
En pratique, cette immigration reste lente (environ 300 émigrants par mois en 2003 et 2004), mais le premier ministre israélien, Ariel Sharon, a décidé en janvier 2005 que tous les Falash Mura devraient avoir rejoints Israël avant la fin de l’année 2007, mais … Certains israéliens craignent que la boite de Pandore n’ait été ouverte et que des millions d’Africains ou d’Asiatiques non-juifs mais se prétendant descendants des dix tribus perdues d’Israël ne demandent à leur tour à bénéficier de la loi du retour.

Cette crainte est sûrement exagérée, mais il n’en reste pas moins que les questions identitaires israéliennes sont encore loin d’être résolues.

Publié dans Palestine - Israël

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