Guinée. Et monsieur Dadis est désolé !

Publié le par Un monde formidable

Guinée.Et monsieur Dadis est désolé ! par Adama Ouédraogo (L’obervateur. Ouagadougou. 30/09/09)"Bain de sang à Conakry. Les militaires ont utilisé leurs armes et tiré à balles réelles sur des manifestants qui s’étaient regroupés dans le plus grand stade de la capitale guinéenne pour dénoncer la possible candidature du chef de la junte, le capitaine Moussa Dadis Camara, à la présidentielle prévue en janvier".

Depuis le lundi 28 septembre, date anniversaire de l’indépendance de la Guinée en 1958, c’est l’information africaine principale qui passe en boucle sur les chaînes de télévision, montrant des images choquantes et révoltantes de corps blessés ou inertes. Cette tuerie heurte davantage la sensibilité avec l’attitude désinvolte de Dadis qui, toute honte bue, a osé déclarer hier sur les ondes de RFI qu’il n’était pas sur les lieux, mais dans son bureau et que l’armée guinéenne est incontrôlable. Avant d’ajouter avec une légèreté déconcertante qu’il est très franchement désolé face à cet événement malheureux.

On dit souvent que quand ce que vous devez dire n’est pas plus lourd que le silence, il vaut mieux se taire et, à l’évidence, l’interviewé d’hier matin aurait dû se garder de parler si c’était pour débiter pareilles inepties. Ces déclarations hasardeuses traduisent, en réalité, un aveu de faiblesse et d’impuissance. Car, si le chef suprême des armées avoue lui-même ne pas maîtriser ses éléments, nul doute que le pays va à vau-l’eau avec toutes les dérives qu’on peut imaginer. C’est quel genre d’officier d’ailleurs qui, au lieu d’assumer courageusement les dérives de ses troupes quitte à sévir après, passe le temps à répéter : "Je n’étais pas sur place" Bien sûr que le président n’a pas appuyé lui-même sur la détente. Pour autant, il n’est pas moins coupable que ses sbires qui ont massacré dans un espace clos de pauvres civils aux mains nues.

Dans tous les cas, ces militaires guinéens ressemblent à leur patron, le capitaine Moussa Dadis Camara, qui s’illustre chaque jour par ses excès de colère et son autoritarisme. Pourtant, le n°1 guinéen, dès sa prise du pouvoir le 23 décembre 2008 suite au décès du président Conté, avait, avec son Conseil national pour la démocratie et le développement (CNDD), affiché de bonnes intentions : nettoyer la maison guinéenne en mettant fin à la corruption et à la mal gouvernance.

Et voilà l’homme qui disait ne pas être assoiffé du "naam" pris par les vertiges du fauteuil présidentiel neuf petits mois seulement après s’y être assis, à tel point qu’il veuille s’y éterniser en organisant une élection à laquelle il serait candidat. C’est justement pour empêcher cette candidature que les militants de l’opposition se sont fait piéger dans l’enceinte de la cuvette du football.

Le bilan provisoire (en constante évolution), faisait état, hier, de plus de 150 cadavres. Maintenant on fait quoi ? On peut faire tuer autant de ses compatriotes et continuer à régner comme si de rien n’était ? Espérons en tout cas que ce carnage sera une source de sagesse pour le leader du CNDD afin d’éviter au peuple martyr de Guinée un autre régime à l’image des précédents sous le règne de Sékou Touré et de Lansana Conté. A défaut, il persistera dans l’erreur, ce qui pourrait lui coûter cher.

C’est nous qui sommes désolés, Monsieur Dadis. On se doutait déjà après quelques semaines d’exercice du pouvoir que vous n’aviez pas l’étoffe d’un dirigeant, on se convainc maintenant que, dans l’intérêt de la Guinée et du vôtre, il vous faut remettre au plus vite la charge, qui pèse manifestement trop lourd sur vos épaules.

Publié dans Afrique de l'Ouest

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