Guinée Equatoriale. Le chassé-croisé des compagnies / La douane échappe à tout contrôle.

Publié le par Un monde formidable

Guinée Equatoriale. Le chassé-croisé des compagnies (Source : Les Afriques. 02/09)

Les unes arrivent, les autres repartent. C’est le chassé-croisé des entreprises à Malabo. Les premières, cédant au mirage, se précipitent. Les autres, revenues de leurs désillusions préfèrent repartir…

En 2004, selon le World Investment Report (de la CNUCED), le pays a reçu 1,65 milliard de dollars d’IDE. Tous les investisseurs étrangers ne semblent pas aussi exigeants sur l’environnement des affaires, puisque l’édition 2008 du rapport Doing Business de la Banque mondiale classe le pays au 165e rang mondial. D’autant que l’indice de protection des investisseurs y est de 3,7, inférieur à la moyenne africaine qui est de 4,3. Les Etats-Unis en sont à 8,3.  Malgré tout, les entreprises, nationales et surtout étrangères, veulent profiter des marchés publics en s’adaptant à « la lenteur et à la complexité des procédures administratives, à la pénurie de personnel qualifié et à l’absence d’un système d’information fiable ».

Entreprises désabusées. Ces entreprises sont toutefois de plus en plus nombreuses à jeter l’éponge. Et pas des moindres. Outre les trois sociétés d’inspection douanières, SGS, Veritas et Cotecna, d’autres ont rendu les armes, de guerre lasse. Ainsi, au début de cette année, Tractafric. La vénérable distributrice d’équipement de travaux publics, qui avait la représentation de Caterpillar en Afrique centrale en 1937 déjà, aujourd’hui filiale du groupe marocain ONA, et qui a fait un chiffre d’affaires de 417 millions d’euros en 2006. On encore le groupe gabonais Sogafric, qui fête ses cinquante ans, fort de ses 1050 employés et d’un chiffre d’affaires annuel de 119 millions d’euros, dont les activités diversifiées concernent la distribution et la maintenance des véhicules automobiles, d’engins forestiers et de camions, la construction métallique, le froid commercial, l’électroménager, le mobilier et l’exploitation forestière, avec des participations dans la banque, l’assurance et les nouvelles technologies. Il n’a pas non plus été de taille pour survivre en Guinée équatoriale.

France Telecom entretiendrait pour sa part des relations plutôt tendues avec le gouvernement. Le canadien SNC Lavallin, chargé du contrôle technique du port, un des leaders mondiaux de l’ingénierie et de la construction, 9,9 milliards de commandes en 2009, qui travaille actuellement dans une centaine de pays, serait également sur le départ.

Longs délais. Les entreprises qui restent, quelle que soit leur notoriété ou leur poids financier, Bouygues comme Arab Contractors ou d’autres encore, doivent accepter des conditions toujours léonines. Délais de paiement extraordinairement longs et « passage obligé » chaque mois devant une « commission des paiements » pour se faire délester d’exorbitants « jetons de présence ».  Ce qui ne préserve pas toujours des mauvaises surprises. Ainsi, le 27 février, tombe un arrêté du ministre des Mines, de l’Energie et de l’Industrie, annulant sans préavis « tous les contrats miniers et d’exploitation de carrières souscrits jusqu’à cette date. Toutes ces sociétés, en vertu des contrats ainsi annulés, sont obligées de négocier et souscrire de nouveaux contrats conformément aux exigences judiciaires actuellement en vigueur ». L’arrêté ministériel « offre » quand même une « période transitoire 60 jours pour la signature de nouveaux contrats. Passé ce délai, une sanction de 50 millions de FCFA (plus de 76 200 euros) sera appliquée aux sociétés contrevenantes ».

Loyers forcés. Seul le secteur pétrolier semble épargné, relativement toutefois, par ces pratiques ubuesques. Les compagnies pétrolières doivent néanmoins, en plus du partage contractuel des revenus, accepter quelques « contributions forcées ». EXXON-Mobil payerait chaque mois un loyer de six millions de dollars pour un terrain, à la société Abayak, qui gère par ailleurs les… biens privé du président Nguema. Cette pratique des loyers forcés, particulièrement élevés, semble s’appliquer à toutes les grandes entreprises qui ont pignon sur rue.

Guinée Equatoriale. Douanes : échec au président. (Source : Les Afriques. 02/09)

Malgré la volonté du Président, que l’on dit craint par-dessus tout, malgré l’assistance des plus grandes compagnies de vérification des importations au monde, la Douane équato-guinéenne continue à échapper à tout contrôle. Elle verse à l’Etat moins de 1% de la valeur des importations.

Jose Eneme Obama Chele n’aime pas beaucoup la presse. Joint sur son téléphone portable, alors qu’il se trouvait à Londres, à la fin du mois dernier, l’administrateur des Douanes du Port, que tout le monde à Malabo reconnaît comme le véritable patron de la Douane, s’est montré peu amène. « Vous ne m’intéressez pas. Je ne veux pas vous parler. » Entretien terminé. Pourtant, il a beaucoup à expliquer. Selon le FMI (Country report 09/98 March 2009), les importations du pays ont quintuplé en cinq ans, en passant de 507 millions de dollars en 2002 à 2,365 milliards de dollars en 2007. Parallèlement, les recettes douanières n’ont que doublé. 7,8 millions de dollars, contre 14,58, soit moins de 1% de la valeur des importations. Par comparaison, les services douaniers des autres pays de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale, CEMAC, perçoivent en moyenne 28% de la valeur de leurs importations. 

Les exonérations, très importantes, n’expliquent pas tout. Certes, le secteur pétrolier, le secteur public, les équipements d’infrastructures, etc., sont exonérés, soit, annuellement, deux milliards de dollars. Mais il reste encore 350 millions de dollars d’importations assujettis aux taxes douanières. Si la moyenne de la CEMAC s’y appliquait, les recettes douanières auraient été de 98 millions de dollars. Plus de 80 millions de dollars s’évanouissent donc annuellement, que M. Chele aurait pu aider à retrouver. Le président Nguema, qui ne se distingue pas par sa rigueur dans la gestion des biens publics, se préoccupe pourtant de cette situation. Par trois fois, c’est lui-même qui a fait appel à des sociétés internationales spécialisées dans le contrôle des importations. En vain.

Vérificateurs indésirables. La  Société générale de surveillance (SGS) suisse présente dans beaucoup de pays africains, a été la première sollicitée. Après s’être beaucoup investie pour mettre en place un dispositif adéquat, elle n’est jamais parvenue à faire signer son contrat. De guerre lasse, elle a renoncé et plié bagage.   Après la suisse, une française, Veritas. Elle semblait être mieux partie puisqu’un contrat en bonne et due forme lui est signé en 2006, qui stipule qu’elle doit vérifier, avant embarquement, toutes les marchandises importées. Revirement. Alors qu’elle n’a pas encore commencé à exécuter le contrat, le Conseil des ministres le dénonce.

L’année suivante, retour à la Suisse. Un autre champion de la surveillance des importations, Cotecna, signe en 2007 avec le président Nguema un programme complet de vérification (quantité, qualité, tarif douanier, détection d’armes et de munitions par scanners à rayons X aux ports et aéroports, vérification des marchandises avant embarquement…).   Jamais deux sans trois ! Cotecna vient de rendre les armes après deux années passées à mettre en place son système d’inspection. Malgré le contrat, le gouvernement refusait toujours de lui donner l’autorisation d’opérer, sans laquelle la société ne peut rien faire. « La lourdeur du système, l’ampleur des résistances », s’y désole-t-on. Il lui a donc fallu, aussi, partir. Les trois leaders mondiaux de la vérification n’ont donc rien pu faire contre une fraude douanière systémique.

Fraudes connues. Les fraudes sont de trois types. Les fausses déclarations sont la règle. Les marchandises non exonérées devraient subir une taxe douanière de 5,6%. Les estimations basses avancent que, chaque jour, l’Etat perd 300 000 dollars rien que du fait des fausses déclarations.   Le deuxième stratagème est la revente, sur le marché local privé, d’importations exonérées, principalement les matériaux de construction importés pour les infrastructures. Grâce à des sociétés écran, chinoises et libanaises en général, une bonne part de ces matériaux exonérés est revendue dans le pays.   Dernière arnaque de très grande envergure, la surfacturation des équipements pétroliers, qui permet à maintes sociétés pétrolières de diminuer leurs résultats d’exploitation et donc les impôts payés à l’Etat.

L’absence totale de contrôle des importations ne fait pas qu’obérer les revenus fiscaux de l’Etat. La population de Guinée équatoriale consomme aussi des produits alimentaires avariés et des médicaments contrefaits.

Publié dans Afrique centrale

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