Guinée Equatoriale. Corruption bien huilée
Guinée Equatoriale. Corruption bien huilée.(Source : Les Afriques. 02/09) Le pays écrit un véritable bréviaire de la mal gouvernance. La corruption y est bien huilée.
C’est un petit pays. Par la superficie, 28 000 km2. Par la population aussi. Officiellement, 520 000 habitants. Exagéré, à en croire maints démographes. En revanche, tout le reste est démesuré. Selon les Perspectives économiques en Afrique (BAD/OCDE/CEA), le PIB était en 2007 de 15,529 milliards de dollars.
C’est le pétrole qui a changé le destin d’un petit pays pauvre, sorti exsangue de la nuit coloniale espagnole en 1968, à la population quelque peu méprisée par les voisins gabonais et camerounais qui les appelaient avec un rien de supériorité, les équatos. Le pays vivait difficilement des exportations d’un cacao d’excellente qualité, dont il a produit jusqu’à 35 000 tonnes, et des revenus des expatriés en Espagne, au Cameroun et au Gabon où ils occupaient les petits métiers délaissés par les nationaux.
Jusqu’en 1991, le PIB du pays s’élevait encore à 147 millions de dollars. Et puis, vient le miracle de l’or noir. Les découvertes importantes attirent les majors américains, qui y règnent aujourd’hui en maîtres. ExxonMobil, Hess, Marathon, Chevron Corporation and Vanco, Energy Corporation sont les premiers investisseurs dans le pays. Selon les chiffres du Ministère des mines et hydrocarbures, fin juin 2008, la production de gaz, en recul de 13,5%, s’est établie à 7,5 millions de barils. La production annuelle de pétrole s’élevant à 120 millions de barils, faisant de la Guinée équatoriale le quatrième producteur subsaharien derrière le Nigeria, l’Angola et le Soudan.
Contribuant à 82% à la formation du PIB, le secteur pétrolier a fait exploser la croissance du pays. Le FMI estime que le PIB a augmenté de 5272% entre 1992 et 2008. C’est la plus forte croissance économique au monde.
Pour les dignitaires du régime, ces énormes richesses permettent toutes les extravagances. Pour administrer le demi-million d’habitants, un gouvernement de 71 membres en mars dernier, se composant de trois vice-Premiers ministres, 24 ministres, 20 vice-ministres, 22 secrétaires d’Etat et un ministre délégué. Probablement la plus forte proportion au monde. La caste qui dirige le pays mène une existence paradisiaque dans un archipel de cocagne.
« Le gouvernement de la Guinée équatoriale a pillé des milliards de dollars des recettes du pétrole au lieu d’améliorer les vies de ses citoyens », note Human Rights Watch dans un rapport retentissant rendu public en juillet dernier, Well oiled (Bien huilé). « Voici un pays où les gens devraient avoir la richesse par habitant de l’Espagne ou de l’Italie, mais ils vivent plutôt dans la pauvreté pire qu’en Afghanistan ou au Tchad », déplore Arvind Ganesan, directeur du Programme des affaires et droits humains de HRW. « Un testament sur la corruption, la mauvaise gestion et la fermeté du gouvernement envers son propre peuple », ajoute-t-il.
Une autre ONG, Global Witness, mentionne une enquête du Sénat américain sur les transactions de la Guinée équatoriale avec la défunte Riggs Bank, qui a montré comment, en 2004, le président Obiang a utilisé les revenus pétroliers du pays pour s’octroyer, pour 3,8 millions de dollars, deux châteaux à Washington DC. Cette malversation a conduit la banque à la fermeture en 2004. Le président y détenait encore 700 millions de dollars.
Le FMI révèle également que deux milliards de dollars de recettes du gouvernement sont logés dans des banques commerciales à l’étranger.
Le fils du président, Teodorin, profite également de la manne. Ministre de son père, avec un salaire officiel de 4000 dollars, il n’en pas moins, selon Global Witness, dépensé environ 8,45 millions de dollars pour des châteaux et des voitures de luxe en Afrique du Sud. Dans un article publié par Le Monde Diplomatique titré « Riggs Bank, blanchisseuse des dictateurs », Alain Astaud souligne la « confusion entre les revenus nationaux et les finances personnelles du dictateur. Une entreprise étrangère ne peut pas s’établir sans ouvrir son capital à des partenaires locaux, forcément issus du clan gouvernemental. Ce qui n’était qu’une pratique courante a été officialisé en 2004 par un décret présidentiel qui, pour le secteur pétrolier, impose une ouverture du capital à hauteur de 35% ».
Le bienheureux fils, ministre des Mines, a pu s’autoriser 43,45 millions de dollars de dépenses somptuaires entre 2004 et 2006. C’est plus que la totalité des dépenses d’éducation, 43 millions de dollars, du gouvernement en 2005.
Les dépenses en éducation représentent 0,6% du PIB. La santé n’est pas mieux lotie. La mortalité infantile a augmenté. 103 décès pour 1000 en 1990, contre 124 en 2007. Le taux de mortalité des moins de cinq ans, de 170 pour 1000 en 1999 à 206 en 2007. Les indicateurs sociaux, dans leur quasi-totalité, se situent à des niveaux inférieurs aux moyennes continentales. L’espérance de vie à la naissance, en 2008, était de 50,3 ans, contre 54,2 en moyenne pour l’Afrique.
Le pétrole coule, mais pas l’eau, puisque seulement 43% de la population a accès à l’eau potable. Plus de 76% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté.