Grèce. A quand une mosquée pour les musulmans d’Athènes ?

Publié le par Un monde formidable

Grèce : à quand une mosquée pour les musulmans d’Athènes ? Par Nikos Papachristou, traduit par Laurelou Piguet  (Le courrier des Balkans.7/05/09)

Depuis près de vingt ans, les musulmans grecs réclament l’édification d’un lieu de culte et la création d’un cimetière. Malgré les promesses et l’engagement de l’État dans ces dossiers, rien n’a vu le jour. Officiellement en cause, des problèmes d’aménagement du territoire et de géologie. Mais cette lenteur administrative ne témoigne-t-elle pas d’une volonté d’empêcher tout projet d’aboutir ? Les instances musulmanes de Grèce continuent cependant à faire confiance à l’État pour régler ces questions.

« C’est une honte qu’il n’existe à Athènes ni cimetière pour les musulmans ni lieu de culte officiel. » C’est par ces mots que Mehmet Iman, président de la Fédération panhellénique des musulmans de Grèce, décrit le problème, d’ordre social et pas seulement religieux, que rencontrent les 20.000 Grecs et plus de 30.000 étrangers de confession musulmane qui vivent dans la capitale grecque.

Le projet de cimetière musulman à Schistos, dans l’ouest de l’Attique, semble buter contre les réserves émises par l’Organisme pour l’aménagement d’Athènes. En cause, la pertinence du lieu choisi. « Suite aux réserves formulées par cet organisme signalant des problèmes d’aménagement mais aussi d’ordre géologique, l’État grec considère que le lieu ne se prête pas à l’usage prévu. Le sujet va donc être réexaminé afin que les mesures nécessaires soient prises pour qu’un cimetière musulman puisse ouvrir en Attique », a écrit Thanasis Nakos, vice-ministre de l’Intérieur, dans une réponse adressée à Périclès Korovésis, député SYRIZA, qui avait évoqué le sujet au Parlement. Le terrain en question avait été cédé en 2005 sur l’initiative de feu l’archevêque Christodoulos, pour servir les besoins des musulmans vivant à Athènes.

Il y a deux mois, l’archevêque actuel, Hiéronyme, avait de son côté exprimé le souhait de voir les procédures s’accélérer. « C’est une affaire politique. Le problème n’est pas de savoir si cela se fera à Schistos ou ailleurs. Nous demandons un cimetière pour toute la communauté musulmane, et que celui-ci soit géré par l’État. Cela permettra d’éviter que le cimetière ne soit exploité par les uns ou les autres, comme tentent de le faire certains étrangers qui ne cherchent qu’à faire du profit », explique encore Mehmet Iman. « Aujourd’hui, les musulmans pauvres, dont les parents n’ont pas les moyens de faire transférer la dépouille en Thrace, sont enterrés avec des étrangers à Eleusine. Très souvent, il s’agit de funérailles collectives, dirigées par un prêtre orthodoxe ».

Les tentatives de création d’un cimetière musulman à Athènes datent du début des années 1990.À ce moment-là, des voix s’élevaient aussi pour réclamer l’édification d’un lieu de culte musulman. De même, Athènes a subi les pressions de pays arabes qui demandaient que soient érigés dans la capitale grecque une mosquée et un Centre culturel islamique. Au début des années 2000, le ministre des Affaires étrangères a soutenu l’idée de créer une fondation qui gérerait la mosquée et le Centre islamique. Des représentants de l’État, de la communauté scientifique et des pays arabes seraient associés.

Des informations ont filtré à l’époque, laissant entendre qu’un pays arabe producteur de pétrole offrait de financer la construction du lieu de culte à Mésogia, dans l’est de l’Attique. La réaction de l’Église grecque et surtout des habitants de la région a empêché l’élévation du minaret qui aurait donné sur le nouvel aéroport de la capitale. « Savoir ce que veut l’ambassade de tel ou tel pays arabe ne nous intéresse pas. La mosquée doit être la mosquée des fidèles, et non la mosquée des ambassades », souligne Mehmet Iman.

Mi-2006, Marietta Yannakou, la ministre de l’Éducation et des cultes de l’époque, a annoncé la décision du gouvernement de bâtir une mosquée dans le secteur d’Elaiona, sur un emplacement utilisé par la marine militaire. Il a alors été annoncé que les frais de construction seraient assumés par l’Etat grec, qui considère comme une obligation d’offrir un lieu de culte à ses citoyens musulmans. Presque trois ans plus tard, et alors que la société de gestion des biens publics a cédé le terrain au ministère de l’Éducation et des cultes, les travaux préliminaires n’ont toujours pas commencé. « Trois acteurs occupent le terrain : la mairie d’Athènes, l’État-major de la Marine, et le ministère de l’Environnement, aménagement du territoire et des travaux publics. Résultat : ils n’ont pas encore évacué les lieux », reconnaît un cadre du ministère de l’Éducation.

« Je crains que cette mosquée ne voie jamais le jour. Mais l’État doit s’occuper de ses citoyens musulmans. Nous ne voulons pas de mollahs d’Iran ou d’Arabie saoudite, ni de Chiites pakistanais qui se flagellent. Nous voulons une mosquée pour notre communauté, avec un bon imam respecté du peuple. Que cela se fasse avec la contribution de l’État ne nous dérangera pas », conclut Mehmet Iman..

Publié dans Religions

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