France. Xénophobie et de rengaine sécuritaire: la France est-elle un pays raciste ?

Publié le par Un monde formidable

La ruse sécuritaire par Angélique Mounier-Kuhn (Le Temps. Ch. 21/08/10)

La nouvelle rengaine gouvernementale, en France, a pris une tournure sordide. Nicolas Sarkozy veut démonter les campements illégaux de gens du voyage, mais aussi de Roms, qu’un glissement de discours malsain a transformés au fil des déclarations en principaux fauteurs de troubles de l’Hexagone.

Chaque jour de cette semaine, le ministre de l’Intérieur, Brice Hortefeux, a rabâché des objectifs chiffrés: 300 squats seront démantelés et 850 Roms seront renvoyés au pays avant la fin du mois. Rien de neuf sur le fond – 10000 ont été expulsés en 2010. L’innovation tient à la forme: l’hyper-médiatisation de ces reconduites, dont l’expérience a prouvé qu’elles étaient vaines. Un Rom expulsé tente systématiquement de revenir; un squat démantelé ne fait que se déplacer un peu plus loin.

La ruse sécuritaire a déjà fait ses preuves par le passé. Mais cette fois, les ficelles sont vraiment grosses. Résumons. En juin, le pouvoir de Nicolas Sarkozy est assailli par la presse dont les révélations nourrissent la chronique nauséabonde des «affaires». Où l’on apprend notamment que le ministre du Travail, Eric Woerth, responsable de la périlleuse réforme des retraites, entretient avec le monde de l’argent des relations, peut-être pas illégales, mais du moins sujettes à caution. Mi-juillet, le président, tétanisé par la virulence des médias, tient enfin sa diversion. Des heurts ont éclaté dans un quartier de Grenoble et, en Loir-et-Cher, des gens du voyage ont saccagé le bourg de Saint-Aignan. Nicolas Sarkozy, qui se faisait fort de «nettoyer au Kärcher» les cités chaudes, reprend ainsi la main sur l’agenda avec le retour fracassant du discours sécuritaire.

Fera-t-il oublier aux Français la crise, les retraites, les scandales? Le président en a fait le pari, avec en ligne de mire le scrutin de 2012. Il est loin de l’avoir gagné. Vendredi, une enquête de France Inter, questionnant les affinités d’un conseiller d’Eric Woerth avec les entreprises, a montré, une fois encore, que les médias n’entendaient pas baisser la garde sur les «affaires».

Trop d’amalgames douteux par John Lichfield (The Independant. 19/08/10)

Qu’il traite des camps de Roms ou de la délinquance, Nicolas Sarkozy multiplie les formules xénophobes et simplistes. Mais cela ne semble guère gêner les Français…

“La France est-elle un pays raciste ?” C’est la question que lance La Vanguardia, après les critiques dont la France a fait l’objet, les 11 et 12 août, de la part du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale de l’ONU (CERD). Celui-ci a reproché au gouvernement son “manque de volonté politique” pour affronter “une recrudescence notable du racisme et de la xénophobie”. “Les experts – représentant entre autres la Russie, le Togo, l’Algérie et la Roumanie – ont averti que les méthodes dures de Sarkozy ne contribuaient pas à réduire le racisme”, relate le quotidien catalan. Il cite les mots du Turc Gun Kut, membre du CERD, qui critique la proposition de Nicolas Sarkozy de déchoir de leur nationalité les délinquants d’origine étrangère : “Je ne comprends pas ce que c’est qu’un Français d’origine étrangère. Je me demande si cette appellation est compatible avec la Constitution.”

Racistes, les Français ? Selon un sondage Ifop publié le 6 août par Le Figaro, 70 à 80 % des Français ont accueilli favorablement l’idée du président Sarkozy de retirer la nationalité française à certains criminels d’origine étrangère [le pourcentage varie selon que cette peine s’applique à des personnes qui auraient “porté atteinte à la vie d’un policier ou d’un gendarme” ou qui se seraient rendus “coupables de polygamie ou d’incitation à l’excision”]. Cette proposition, qui doit être formalisée d’ici à la fin du mois d’août [et pourrait être soumise au Parlement le 27 septembre, dans le cadre de la nouvelle loi sur l’immigration], a été dénoncée par la gauche ainsi que par certains dans les rangs de la droite comme cynique et irréalisable.

Parmi les critiques les plus sérieuses, on relève celles de deux personnalités qui ne sont pas particulièrement antisarkozystes : le philosophe Bernard-Henri Lévy [dans une tribune publiée par Le Monde, le 4 août] et l’ancien Premier ministre socialiste Michel Rocard [dans un entretien au magazine Marianne du 7 août]. En associant le crime à une “origine étrangère”, disent-ils, le président chasse sur le terrain populiste du Front national. Michel Rocard évoque même un retour à la politique xénophobe et antirépublicaine du régime de Vichy.



Est-ce une simple coïncidence, se demandent certains, si Nicolas Sarkozy s’en prend aux délinquants et aux étrangers alors que la crise économique et une affaire de financement politique ont récemment fait chuter sa cote de popularité à son niveau le plus bas ? Et que faut-il entendre par “origine étrangère” ? La nouvelle loi ne s’appliquera-t-elle qu’aux individus nés à l’étranger ou s’étendra-t-elle aux immigrés de deuxième et troisième générations ? Qu’adviendra-t-il des personnes qui se retrouveront sans nationalité ? Le sondage du Figaro a montré que cette proposition, ainsi que d’autres mesures de lutte contre la criminalité, annoncées récemment par le président, étaient largement approuvées par la population. Ces résultats ont été accueillis par l’Elysée avec une joie non déguisée. “Une claque pour les bien-pensants”, s’est exclamé Xavier Bertrand, secrétaire général de l’UMP. “Comme d’habitude, le sarkozysme n’est pas en phase avec les élites mais il l’est avec la société”, a déclaré de son côté Brice Hortefeux, ministre de l’Intérieur et ami de trente ans de Nicolas Sarkozy.

Un autre sondage instructif a été publié le 8 août. Selon une enquête semestrielle réalisée par Le Journal du Dimanche, l’ancien joueur de tennis Yannick Noah, d’origine camerounaise, reste la personnalité préférée des Français. Le deuxième est Zinédine Zidane, né à Marseille de parents algériens, et sept des dix premiers du palmarès sont – pour reprendre la formule de M. Sarkozy – d’origine étrangère. Racistes, les Français ? Le président Sarkozy, lui-même d’origine étrangère, ne figurait pas dans ce Top 50. Il est vrai que la liste se compose essentiellement de chanteurs, d’acteurs, de stars du sport et de présentateurs de télévision.



Deux incidents ont déclenché le durcissement de ton du président contre les délinquants, en particulier ceux d’origine étrangère. Au mois de juillet, des coups de feu ont été tirés contre les forces de l’ordre à Grenoble, après la mort d’un jeune d’origine maghrébine, abattu par la police pendant le braquage d’un casino. Quelques jours plus tard, des gitans de nationalité française ont commis des violences à Saint-Aignan, une bourgade du centre de la France, pour protester contre la mort d’un des leurs, tué par un gendarme à un barrage routier.

Dans le premier cas, les émeutiers étaient une bande typique des cités sensibles de Grenoble : des Beurs, des Blacks et quelques Blancs, tous nés en France. Dans le second, les “gens du voyage” qui se sont soulevés étaient des gens avec un patronyme français, issus de familles établies dans l’Hexagone depuis des siècles.

Le président Sarkozy a réagi aux émeutes de Grenoble par un discours associant délinquance et immigration et menaçant de déchoir de leur nationalité française les personnes d’“origine étrangère” qui tireraient sur les forces de l’ordre.

Et il a réagi au second incident en réprimant les Roms d’Europe de l’Est entrés illégalement en France au cours des dernières années (mais qui n’avaient rien à voir avec les violences commises). Un premier camp de Roms a ainsi été évacué le 6 août par la police, à Saint-Etienne.

Dans les deux cas, le président Sarkozy a fait un lien entre délinquance et immigration, légale ou illégale. Un amalgame qui était au mieux délibéré, au pire malhonnête. L’entrée illégale de Roms en France pose problème, mais il existe déjà des mesures énergiques pour les rapatrier. Et, cinq ans après les émeutes d’octobre 2005, les banlieues sensibles des villes françaises restent de véritables poudrières. Avant son élection, en 2007, Nicolas Sarkozy avait promis d’encourager tous les espoirs des banlieues. Il n’a pas fait grand-chose dans ce sens.



Racistes, les Français ? Non, mais ils se laissent regrettablement manipuler par des slogans et des formules aussi xénophobes que simplistes.

Publié dans Discriminations

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article