France. Sarko la gaffe flingue ses pairs

Publié le par unmondeformidable

Sarko la gaffe flingue ses pairs. (Source AFP. 17 avril 2009)

La presse internationale épinglait vendredi Nicolas Sarkozy pour des propos peu amènes, démentis par l’Elysée, qui lui ont été prêtés par le journal français Libération sur le Premier ministre espagnol, la chancelière allemande ou le président américain.

En Espagne, où le président français se rendra en visite officielle les 27 et 28 avril, la presse reprend en chœur une pique supposée de M. Sarkozy mettant en doute l’intelligence de M. Zapatero, critiquant à l’instar d’ABC (droite) « le complexe de supériorité » du dirigeant français.

« Stupide, immature, hors de propos : le jugement de Sarkozy sur ses homologues », titrait en Une le quotidien britannique The Guardian, à propos de ses commentaires supposés sur M. Zapatero, la chancelière allemande Angela Merkel ou le président américain Barack Obama. Pour le Times (conservateur), « M. Sarkozy est irrité par l’adulation dont jouit un dirigeant américain sans expérience, dont la popularité a éclipsé (sa) réputation de sauveur du monde ».

La presse allemande abordait l’épisode factuellement, comme celle d’Italie qui s’amusait de la « gaffe de Sarkozy » (La Republicca).

Selon l’article de Libération paru jeudi, le chef de l’Etat français se serait livré à des commentaires critiques sur les dirigeants cités lors d’un déjeuner privé à l’Elysée avec des parlementaires de droite et de gauche. Il aurait loué « l’esprit subtil » de M. Obama tout en soulignant son manque d’expérience et se serait félicité que Mme Merkel se soit rangée à ses vues sur la crise économique.

Sur M. Zapatero, il aurait répondu à une remarque : « il se peut qu’il ne soit pas très intelligent. Moi j’en connais qui étaient très intelligents et qui n’ont pas été au second tour de la présidentielle », en référence à l’échec du socialiste français Lionel Jospin en 2002. Un porte-parole de l’Elysée a formellement démenti jeudi tous ces propos, qui ont été également contestés par plusieurs témoins, mais sans convaincre en Espagne. « Fasciné par les commérages, Sarkozy donne la véritable mesure de son altière – et trompeuse – figure politique », commentait ABC.

En Catalogne, El Periodico (centre-gauche) glosait « sur le caractère fanfaron » du président français, La Vanguardia (centre-droit) doutant « que ce soit la meilleure manière de préparer » sa visite en Espagne. El Mundo (libéral) compte sur la présence prochaine à Madrid de Carla Bruni-Sarkozy pour « alléger les tensions et contenir les légèretés auxquelles se livre son époux quand il se sent à l’aise et désinhibé ».

Aux Etats-Unis, après avoir été évoquée dès jeudi par les chaînes d’informations en continu, l’affaire rebondissait vendredi dans le New York Times, qui titrait : « Un repas avec Sarkozy : brochettes de dirigeants au menu ». « Le président Nicolas Sarkozy est connu pour son amour de l’action », écrivait le quotidien. « Mais il aime également se vanter et se moquer de ses collègues dirigeants du monde », poursuivait-il, observant que le démenti de l’Elysée ne semblait pas concerner les propos qui auraient été tenus sur M. Obama.

 

Royal occulte le mépris de Sarkozy. Le théâtre politico-médiatique porte sur scène les excuses de la socialiste, poussant en coulisses l'arrogance du président.Par Charline Vanhoenacker (Le Soir. 21/04/9)

Le débat politique français vole si haut qu'il s'écrase contre la bordure du trottoir. Il n'y a donc qu'à se baisser pour le ramasser, et les médias les plus respectables de l'Hexagone s'inclinent volontiers pour ce faire. L'affaire « Sarko – Zapatero – Ségo » fait-elle marcher la France sur la tête ? Dans un pays où le malaise social inquiète, où les employés séquestrent les patrons et les pêcheurs bloquent les ports, l'affaire qui monopolise les antennes et le papier depuis quatre jours, c'est : Nicolas Sarkozy a dit que Zapatero « n'est peut-être pas intelligent », Ségolène Royal a donc présenté ses excuses au Premier ministre espagnol pour les « propos injurieux » le concernant, et Jack Lang offre lui aussi ses excuses aux Ibères pour la réaction de la socialiste. Édifiant. Au moment où Dominique de Villepin s'inquiète d'un « risque révolutionnaire en France », et malgré un lyrisme romantique peu innocent, le voilà d'avantage ancré dans la réalité que la pseudo-polémique étirée jusqu'à lundi. Récit de son mécanisme.

Dans l'édition de jeudi, Libération rapporte des propos que Nicolas Sarkozy aurait tenus devant des parlementaires, lors d'un déjeuner : Zapatero « n'est peut-être pas très intelligent. Moi j'en connais qui étaient très intelligents et qui n'ont pas été au second tour de la présidentielle », allusion à Lionel Jospin. En France, les propos méprisants, crus ou arrogants du chef de l'État n'étonnent plus. Mais la presse internationale, qui a pu apprécier sa façon de se mettre en avant au G20, voit dans ces propos une manifestation concrète de son arrogance. Elle s'en est donc emparée. Une fois la fameuse phrase soulevée par les médias espagnols, elle a été reprise par la presse anglophone.

La dialyse médiatique

Un prétexte inespéré pour les médias français, dépourvus de sujets qui focalisent l'attention, puisque la zone « Paris et son cénacle » se trouve toujours en vacances. Le mot d'excuse de Ségolène Royal posté sur son site Désir d'avenir n'a donc pas échappé à certains journalistes : « Ces propos n'engagent ni la France ni les Français », adresse-t-elle au socialiste Zapatero. La même tactique, en beaucoup moins justifié, que ses excuses au Sénégal pour le discours de Nicolas Sarkozy sur l'Afrique. « C'est le seul moyen qu'elle a trouvé pour exister médiatiquement », écrit la presse, le Net et diffuse la radio, en prenant soin de prêter ces propos à un politique. Car bien sûr, les médias n'y sont pour rien dans le maintien de cette dialyse médiatique.

Et donc, tous ses pairs qui peinent à attirer les micros réagissent, profitant de l'effet d'entraînement induit par Ségolène Royal, et par-là, usant de la même stratégie que la socialiste : sucer la roue de celui qui se trouve devant. Au top 50 des réactions, le porte-parole de l'UMP, Frédérique Lefèvre, qui accuse Libé « d'abîmer l'image de notre pays ». Ajoutant cette subtile critique : « Je pense que Madame Royal a besoin d'une aide psychologique. » Le quotidien d'opposition a rebondi lundi en Une : « Peut-on critiquer Sarkozy ? »

Une chorale de réactions outrées, un emballement médiatique, et le piège s'ouvre : un écran de fumée a occulté la polémique de départ, les propos de Nicolas Sarkozy sur Zapatero – que Libé maintient. Le tout, à quelques jours d'une visite du président à Madrid. Que les politiques s'offusquent d'avantage des excuses de Royal que des propos de Sarkozy sera du plus bel effet auprès des Espagnols.

Publié dans Europe de l'Ouest

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