France. Le fourbe du roi

Publié le par Un monde formidable

Le fourbe du roi par François Reynaert
(Le Nouvel Observateur. 10/12/09)

Un excellent dossier, dans ce numéro, revient longuement sur une figure marquante de notre temps, Eric Besson. Je l'avoue sans ambages, sur un pur plan civique, je trouve ça très bien. Il reste peu d'hommes politiques dans ce pays qui soient aussi utiles que lui. Utile, ce Ganelon suintant ? hurlez-vous déjà. Vos cris sont une première preuve de ce que j'avance. Quels autres politiciens sont encore capables d'en susciter ? Ceux de gauche, jamais aussi en forme que pour se dézinguer entre eux, font venir des soupirs. Ceux de droite, des bâillements. Je ne dis pas ça pour leur être désobligeant, je les trouve d'un ennui en ce moment. J'ai confiance, je suis sûr qu'ils vont s'améliorer en vue des régionales.

De petites phrases en nouveaux débats, Sarkozy cherche à planter sa tente vers chez les Le Pen; hier il voulait faire croire qu'il habitait chez les Jaurès; demain il se montrera très au-dessus, après-demain parfaitement d'en bas. Ce n'est plus un président, c'est un économiseur d'écran, vous savez, un de ces petits personnages absurdes qu'on télécharge et qui se baladent sur le PC sans qu'on sache jamais de quel côté ils vont apparaître. Seulement, au bout de six mois, on n'en peut plus et on remet en toile de fond sa vieille photo d'île tropicale pour oublier le schtroumpf à grimace en ronflant sous son cocotier.

Mais les autres ? Frédéric Lefebvre a été amusant, c'est vrai. Tout passe si vite. Après deux ans de carrière, il fait comique sur le retour, je ne suis même pas sûr qu'ils en voudraient encore pour une soirée «les Rois du rire» présentée par Jean-Marie Bigard sur une chaîne de la TNT. Même un Hortefeux déçoit. C'est dommage. Réac à ce point, il était riche de promesses. Quelle déconvenue ! A l'heure où j'écris, la seule chose qu'il ait trouvée pour tenter d'énerver la gauche, c'est cette histoire de couvre-feu pour les mineurs de 13 ans. Un serpent de mer usé jusqu'à l'arête, même Eric Raoult l'avait tenté il y a cinq ans, c'est vous dire le niveau de l'inspiration.

En revanche, si j'ose dire, un Eric Besson ne déçoit jamais. Cauteleux, lèche-bottes, prêt à tout pour avoir un poste, on peut dire qu'il est le fourbe du roi idéal. Voyez ce qu'il réussit pour l'instant avec son débat sur l'identité nationale. A priori, je l'avoue, le sujet me fait périr d'ennui. C'est idiot, j'en suis conscient. J'ai bien lu ce qu'ont écrit tour à tour dans ce journal nos chers Jean Daniel et Jacques Julliard, je sais bien qu'ils ont raison : pourquoi ferions-nous la bêtise de laisser la droite capter pour elle-même un drapeau qui nous appartient tout autant, surtout quand on voit dans quels marigots douteux elle essaie de le tremper. Pour les ténors de l'UMP, la grande menace contre la France viendrait de l'immigration. Franchement ! Et leurs amis les exilés fiscaux, et leurs obligés, ces patrons sans vergogne qui réclament des millions quand un quart du pays est au bord de la misère, et leurs soutiens, les banquiers à bonus ? En ponctionnant pour eux des richesses qui devraient aller à tous, ils ne menacent pas plus brutalement la cohésion de la Nation ?

Seulement j'ai un mal fou à empoigner cette polémique dans les termes où on la pose : avoir à discuter avec d'autres Français pour savoir ce qui fait qu'on est français, ça me paraît aussi palpitant que d'avoir à débattre avec ses voisins de salon de coiffure pour savoir pourquoi on est brun. Et avec ça, la logistique n'aide pas. Le premier débat, a-t-on lu dans la presse, a été organisé à Verdun, devant une salle d'ailleurs à moitié vide, tu m'étonnes. Qu'est-ce que les pouvoirs publics vont inventer pour la suite ? Une soirée lecture Paul Reynaud dans une casemate de la ligne Maginot ? Une rencontre avec les anciens d'Azincourt ? Et pourtant, comment le nier, porté par un Eric Besson, ce débat prend tout de suite une vraie couleur. Ecoutez-le juste une fois faire le suave en parlant de «nos valeurs» et de «notre République» ! Vous verrez ce que vous ressentirez. Ce type a tout trahi, il ne lui faudrait pas dix minutes pour vendre n'importe quoi à n'importe qui et il ose parler de «nos valeurs et de notre République ! Vous verrez, vous sentirez monter en vous de saines bouffées : la colère n'est pas le plus mauvais des moteurs pour recommencer à avoir envie de faire de la politique.

Publié dans Europe de l'Ouest

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