France. L’insurrection qui vient
L’insurrection qui vient. Extraits de la préface. Comité invisible (La Fabrique Editions.)
L'essai en PDF : http://www.liberterre.fr/liberterres/z-pdf liberterres/Insurrection.pdf
Sous quelque angle qu’on le prenne, le présent estsans issue. Ce n’est pas la moindre de ses vertus. À ceux qui voudraient absolument espérer, il dérobe tout appui. Ceux qui prétendent détenir des solutions sont démentis dans l’heure. C’est une chose entendue que tout ne peut aller que de mal en pis. « Le futur n’a plus d’avenir » est la sagesse d’une époque qui en est arrivée, sous ses airs d’extrême normalité, au niveau de conscience des premiers punks.
La sphère de la représentation politique se clôt. De gauche à droite, c’est le même néant qui prend des poses de cador ou des airs de vierge, les mêmes têtes de gondole qui échangent leurs discours d’après les dernières trouvailles du service communication. Ceux qui votent encore donnent l’impression de n’avoir plus d’autre intention que de faire sauter les urnes à force de voter en pure protestation. On commence à deviner que c’est en fait contre le vote lui-même que l’on continue de voter. Rien de ce qui se présente n’est, de loin, à la hauteur de la situation. Dans son silence même, la population semble infiniment plus adulte que tous les pantins qui se chamaillent pour la gouverner.
N’importe quel chibani de Belleville est plus sage dans ses paroles qu’aucun de nos soi-disant dirigeants dans toutes ses déclarations. Le couvercle de la marmite sociale se referme à triple cran tandis qu’à l’intérieur la pression ne cesse de monter. Parti d’Argentine, le spectre du Que se vayan todos ! commence à sérieusement hanter les têtes dirigeantes. (…)
Il n’y aura pas de solution sociale à la situation présente. D’abord parce que le vague agrégat demilieux, d’institutions et de bulles individuelles que l’on appelle par antiphrase « société » est sans consistance, ensuite parce qu’il n’y a plus de langage pour l’expérience commune. Et l’on ne partage pas des richesses si l’on ne partage pas un langage. Il a fallu un demi-siècle de lutte autour des Lumières pour fondre la possibilité de la Révolution française, et un siècle de lutte autour du travail pour accoucher du redoutable «État providence». Les luttes créent le langage dans lequel se dit le nouvel ordre. Rien de semblable aujourd’hui. L’Europe est un continent désargenté qui va faire en cachette ses courses chez Lidl et voyage en low cost pour encore voyager. Aucun des « problèmes» qui se formulent dans le langage social n’y admet de résolution. La « question des retraites », celle de la « précarité », des « jeunes» et de leur «violence» ne peuvent que rester en suspens,pendant que l’on gère policièrement les passagesà l’acte toujours plus saisissants qu’elles recouvrent. (…)
En fait de solution, la pression pour que rien ne se passe, et avec elle le quadrillage policier du territoire, ne vont cesser de s’accentuer. Le drone qui, de l’aveu même de la police, a survolé le 14 juillet dernier la Seine-Saint-Denis dessine le futur en couleurs plus franches que toutes les brumes humanistes. Que l’on ait pris le soin de préciser qu’il n’était pas armé énonce assez clairement dans quelle voie nous sommes engagés. Le territoire sera découpé en zones toujours plus étanches. Des autoroutes placées en bordure d’un « quartier sensible » font un mur invisible et tout à fait à même de le séparer des zones pavillonnaires.
Quoi qu’en pensent les bonnes âmes républicaines, la gestion des quartiers «par communauté» est de notoriété la plus opérante. Les portions purement métropolitaines du territoire, les principaux centres villes, mèneront dans une déconstruction toujours plus retorse, toujours plus sophistiquée, toujours plus éclatante, leur vie luxueuse. Elles éclaireront toute la planète de leur lumière de bordel pendant que les patrouilles de la BAC, de compagnies de sécurité privées, bref : les milices, se multiplieront à l’infini, tout en bénéficiant d’une couverture judiciaire toujours plus impudente.
"L'Insurrection qui vient" triomphe aux Etats-Unis (Source : Le Monde. 23.02.10)
Selon l'Express.fr, l'essai politique L'Insurrection qui vient, rédigé par un "Comité invisible", connaît un succès inattendu aux Etats-Unis. Sa version américaine, The Coming Insurrection, se trouve depuis deux semaines dans le Top 100 des best-sellers du site de vente en ligne Amazon. Attribué à Julien Coupat, suspect numéro 1 dans l'affaire des sabotages de TGV, ainsi qu'à Éric Hazan, éditeur français, l'opuscule, sorti en mars 2007, a été écoulé à plus de 40 000 exemplaires en France.
Aux Etats-Unis, le chroniqueur ultraconservateur de la chaîne Fox News Gleen Beck avait qualifié l'ouvrage d'"une des choses les plus diaboliques qu'[il ait] pu lire." Un commentaire sur lequel joue l'éditeur Semiotext(e), pour promouvoir l'ouvrage, qui vise à expliquer comment et pourquoi une insurrection s'avère nécessaire et peut-être même inéluctable.