France. Chroniques marseillaises(13): Vingt-six agressions par jour et la tentation des milices

Publié le par Un monde formidable

Vingt-six agressions ont lieu chaque jour à Marseille par Denis Trossero (La Provence. 22/01/2011)

Vingt-six agressions par jour à Marseille. Est-il besoin de commenter les chiffres, quand les chiffres parlent d'eux-mêmes ? Le procureur de Marseille Jacques Dallest a profité de l'audience de rentrée du tribunal de grande instance pour en décliner les principaux. Et cette année, ils sont plus douloureux que les précédentes. Ils brossent le portrait d'une ville qui a mal à sa délinquance : une hausse des vols avec violences de 19% par rapport à 2009. Avec, comme l'a dit le magistrat, des "agressions crapuleuses" faites dans le seul "but lucratif" qui évolue de manière effarante. Trois cents crimes et délits ont lieu chaque jour dans le ressort du tribunal de Marseille (Marseille-Aubagne-La Ciotat). "Marseille est un gisement à ciel ouvert d'infractions pénales", résumera le procureur Dallest.

Ainsi 18 personnes sont déférées chaque jour au parquet. 1700 vols à main armée ont été recensés en 2010 dans les Bouches-du-Rhône. Un sur deux a lieu sous la menace d'une arme à feu. Au cours de la seule nuit de lundi à mardi, ce sont 9 vols de ce type qui ont eu lieu. L'action commando est devenue un mode d'expression majeur des délinquants. Une centaine d'atteintes à la vie humaine l'an dernier et dans les cités marseillaises, la violence prospère : 84 homicides ou tentatives en 2010, dont 47 étaient des règlements de comptes de quartiers. Ils ont été mortels dans 14 cas. Le procureur est aussi revenu sur l'assassinat du Clos La Rose (13e ) qui a coûté la vie à un mineur de 16 ans et a failli en tuer un autre de 11 ans. Quant à la délinquance en Corse, dont est de plus en plus fréquemment saisie la justice marseillaise, elle a donné lieu l'an dernier à 26 règlements de comptes, à 80 mises en examen et à 60 incarcérations.

"La délinquance, c'est aussi le recyclage d'argent sale, toutes les atteintes à l'ordre public économique et social, a martelé Jacques Dallest. Le parquet continuera à traquer les fraudeurs de tout poil." Un message destiné aux acteurs des dossiers politico-financiers en cours les plus chauds. Autres chiffres : des violences sexuelles en hausse de 12%, plus de 10000 cambriolages en 2010 et 48 tués sur les routes cette année contre 53 en 2009. L'enfer de la délinquance sera en 2011 pavé de bonnes intentions judiciaires. Pour plus d'efficacité de traitement, le président du tribunal François Pion a annoncé hier la création de deux audiences correctionnelles hebdomadaires consacrées aux comparutions immédiates. L'ennui a peu de chances de guetter les juges marseillais.

 

Marseille, la tentation des milices (Europe1.fr. 27 janvier 2011)

 

Excédés par l’insécurité, certains habitants veulent pallier le manque d’effectif policier.

La mort de Maryse, 74 ans, décédée après un vol à l’arraché perpétré par deux jeunes en scooter, pourrait être celle de trop. Il ya trois mois, c’est un jeune de 16 ans qui succombait, abattu dans une affaire de drogue, alors qu’un enfant de 11 ans avait été sérieusement blessé. Face à cette violence, certains habitants sont tentés d’organiser eux-mêmes leur défense.  Et les récentes initiatives, comme les renforts de police, les incitations au témoignage sous X, n’ont pas changé les chiffres, qui restent édifiant. Pas moins de 26 personnes sont en effet agressées chaque jour dans la cité phocéenne. La tentation des milices inquiète jusqu’à la sénatrice socialiste élue des quartiers Nord, Samia Ghali, qui a même alerté le préfet. "Ils sont en train de s’armer, en se disant ‘maintenant, on a l’arme à la maison et on va s’organiser pour faire le gardiennage chez nous’", assure l’élue au micro d’Europe 1. "J’ai écrit une lettre au préfet en lui disant que je craignais que des gens s’organisent en milice. Parce que se faire cambrioler sept fois, se faire agresser plusieurs fois, à un moment ça suffit, les gens en ont ras-le-bol et ils se disent : ‘on n’est pas écoutés, on n’a pas de police, donc il faut qu’on se défende tout seuls’".

La tentation de faire justice soi-même, Kevin, le petit-fils de Maryse, ne cautionne pas, mais il comprend. "Effectivement, il pourrait y avoir une milice. Les civils vont faire justice eux-mêmes. On en a marre. Nous, on pleure nos morts. C’est trop", affirme le jeune homme. "On ne peut pas sortir sans faire attention… C’est pas possible, c’est pas une vie. Il faut que les gens se révoltent, pour que les jeunes comprennent. Ils font des bêtises, ils sont relâchés, ils recommencent encore et encore. C’est toujours la même chose." (…)

Publié dans Europe de l'Ouest

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