USA. Nouvelle politique arabe
Nouvelle politique arabe des Etats-Unis. Est-ce une bonne chose pour la France ? Z. K (L’Observateur. Ouagadougou. 09/06/2009)
Quelle est la politique arabe de la France ? Est-on tenté de se demander. Selon Charles Saint-Prot, un historien, essayiste, géopoliticien, politologue gaulliste français et spécialiste du monde arabe : “Depuis toujours, la vision que la France se fait du monde préconise un ordre international équilibré et respectueux du droit des peuples à rester eux-mêmes et à choisir librement leur propre destin. La clé de voûte de la politique française depuis plus de 2 000 ans est le refus des empires dominateurs et la recherche de l’équilibre entre les nations”. Si l’on se fie à l’œuvre de ce gaulliste bon teint, le général C. de Gaulle aurait demandé de mettre fin à l’occupation israélienne de 1967 de tous les territoires arabes sur la base des résolutions 242 et 338 du Conseil de sécurité. Tenir compte des aspirations des Israéliens à vivre en sécurité à l’intérieur de frontières sûres et du droit des Palestiniens à disposer d’un Etat palestinien indépendant, démocratique et viable était également dans son agenda.
Il ne faut certes pas prendre pour argent comptant tout ce que Saint-Prot dit à propos de la France. Ses penchants idéologiques gaullistes édulcorent quelque peu l’objectivité de son raisonnement. Cependant, il faut reconnaître que les Etats-Unis étaient à des années lumières de la France dans la vision multilatérale du monde. Ainsi, par exemple, le général C. de Gaulle aurait dit en 1967 que l’occupation israélienne entraînerait une réaction que l’on assimilera plus tard au terrorisme, provoquant une spirale sans fin de violences et de misères. Lors de la guerre israélo-arabe de juin 1967, ce dernier a du reste condamné l’agresseur israélien, imposé un embargo sur toutes les ventes d’armes à Israël et dénoncé l’occupation des territoires arabes. Cette politique de la France semble avoir influé sur l’Union européenne ou été soutenue par celle-ci au regard de son attitude vis-à-vis du conflit israélo-arabe en général et israélo-palestinien en particulier. Cette dernière est la principale donatrice en faveur des Palestiniens et de l’embryon d’Etat palestinien.
Pendant ce temps, les Etats-Unis semblaient plus intéressés par les richesses pétrolières des pays arabes et le contrôle des routes de transit, l’établissement d’un partenariat stratégique avec l’Etat d’Israël, l’opposition à l’émergence de tout Etat ou groupes d’Etats arabes forts et indépendants. Or, voilà que le nouveau président américain, B. Obama, selon L’Humanité (quotidien communiste français) “a fait une sorte d’autocritique de la diplomatie américaine. Il a fustigé les erreurs de la guerre tout en mettant en avant les réussites des alliés en Afghanistan, pour finalement promettre une Amérique nouvelle, ouverte à une diplomatie multilatérale qui mettrait fin au climat de méfiance persistant qui pèse entre l’Occident et le monde musulman”. Et ce passage de son discours en dit long : “Nous avons le pouvoir de faire le monde que nous voulons, mais seulement si nous avons le courage d’un nouveau commencement, en gardant à l‘esprit ce qui a été écrit. Le Coran nous dit : “Oh, humanité ! Nous t’avons créée mâle et femelle, et nous t’avons dispersée en nations et tribus afin que vous puissiez vous connaître”. Le Talmud nous dit : « Toute la Torah n’a pour but que de promouvoir la paix ». La Bible nous dit : « Bénis soient les bâtisseurs de paix, car ils seront appelés fils de Dieu ». Les peuples du monde peuvent vivre ensemble en paix. Nous savons que c’est la vision de Dieu. Maintenant, cela doit être notre travail, ici sur terre. Merci. Et que la paix soit sur vous.”
Aujourd’hui avec B. Obama, les choses semblent changer positivement si on se fie à son discours du Caire. Ce qui réjouit le président français, Nicolas Sarkozy : “Ça fait bien longtemps qu’on attendait que les Etats-Unis d’Amérique, la première puissance du monde, prennent toutes leurs responsabilités pour éviter le choc des cultures entre l’Occident et l’Orient…Je suis totalement d’accord avec le discours du président Obama, y compris sur la question du voile”, a-t-il dit. Malheureusement pour la France, si ces prémices de changement de la diplomatie des Etats-Unis devaient se muer en une politique arabe de la superpuissance américaine, la France et l’Union européenne ont du souci à se faire, car le pays d’Obama leur ferait nécessairement ombrage. Soit, ce rééquilibrage diplomatique ouvrira une nouvelle ère de cercle vertueux dans les relations internationales, mais les Etats, comme les individus, étant en compétition perpétuelle les uns avec les autres, la France se retrouverait en arrière- plan parce que ce qu’elle dira aura été déjà dit ou fait par les Etats-Unis d’Obama. Ce qui n’est pas forcément une bonne chose pour la France. Déjà, on remarque que ce discours d’Obama a engendré plus de réactions positives dans les pays arabes et dans les milieux intellectuels que les prises de position avant-gardistes de la France.
Plus révélateur encore, c’est le fait que les autorités israéliennes, qui se fichaient éperdument de ce que disait la France, ont pris au sérieux ce discours. Et un tel discours n’aurait peut-être été prononcé si, au Etats-Unis, on ne s’était pas assuré que le lobby juif américain (qui, contrairement à ce qu’on pense, a, dans sa grande majorité, une approche progressiste de la résolution du conflit israélo-arabe) est d’accord avec les grandes lignes de l’intervention. C’est dire si les Juifs d’Israël risquent d’être “esseulés” s’ils ne révisent pas leur politique vis-à-vis des Etats arabes et particulièrement des Palestiniens.
Mais à quelque chose malheur est bon, dans la mesure où les faucons de Tel-Aviv sont les mieux placés pour faire la paix avec leurs voisins. En effet, si l’administration américaine, qui compte des amis sûrs d’Israël, comme Hilary Clinton, arrive à les convaincre de s’engager résolument dans le processus de paix, qui, aux Etats-Unis et surtout en Israël, va s’y opposer ?
En attendant, la France tout comme les radicaux israéliens gagnerait à mener des réflexions stratégiques à propos de leur politique à l’aube de ce qui semble être la définition d’une nouvelle politique arabe des Etats-Unis ; politique qui, à n’en pas douter, ne manquera pas d’avoir des répercussions positives sur d’autres conflits de par le monde.