Côte d’Ivoire. En attendant la bataille d’Abidjan / Une intervention de l'Afrique du Sud à Abidjan?
Côte d’Ivoire. En attendant la bataille d’Abidjan par Z. Dieudonné Zoungrana (L’Observateur. Ouagadougou.31/03/11)
Il y a un temps pour tout : un temps pour discuter, un temps pour dialoguer directement, un temps pour "panéliser", un autre pour ruser et encore un autre pour faire la guerre.
La guerre ! Stade suprême de la médiation ou conséquence inéluctable de son échec ? Peut-être les deux à la fois, mais elle est toujours une décision difficile à prendre parce que le chef qui s’y engage sait qu’il joue et son pays et sa tête, la guerre civile battant son plein depuis des semaines en Côte d’Ivoire.
Alassane Dramane Ouattara (ADO) en Côte d’Ivoire, passé les discours apaisants, les appels aux négociations et les médiations de la kyrielle de missi dominici de l’UA, de la CEDEAO et de particuliers, a décidé de faire le coup de feu pour conquérir ce fauteuil acquis par les urnes le 28 novembre 2010, mais si près et si loin de lui. Depuis une décennie, la Côte d’Ivoire hoquette. Et depuis ce 3 décembre 2010, elle est dans une situation de ni pain ni mie. Et il y a 2 présidents, donc manifestement un de trop.
En ordonnant les salves sur les Forces de défense et de sécurité (FDS), ADO a décidé d’en finir avec Gbagbo. Qu’importe qu’il confirme qu’il était le parrain des ex-rebelles. Qu’importe que certains surfent toujours sur la corde obsolète de l’ivoirité.
En tout cas, depuis le 29 mars 2011, trois brèches ont été ouvertes dans la cuirasse du gbagboland : Dalao, Douekué et Bondounkou. Abengourou est aussi tombée le lendemain, et Tiébessou (est) était en voie de l’être. Et même Bouafflé (Centre-Ouest) : l’objectif immédiat des Forces républicaines est de boire le café à Yamoussokro. Ils y sont déjà depuis hier. Mais tout guerrier sait que qui tient le Centre tient la périphérie, le target principal demeure donc Abidjan, la capitale économique. A en croire le communiqué de guerre des Forces républicaines, elles seraient à 220 km du cœur du pouvoir, c’est-à-dire Abidjan.
Géographiquement, pour un paisible voyageur, une 2-Cheveaux suffit pour "avaler" rapidement cette distance. A contrario dans une guerre, 220 km, c’est énorme, car autant certaines villes sont tombées comme des mangues mûres, autant d’autres ne le seront qu’à la maréchal Joukov, c’est-à-dire après une bataille rangée et meurtrière. Certains stratèges estiment même que la ville d’Abidjan est propice à un long siège.
En vérité, le chef de guerre Gbagbo semble avoir concentré toute son armada dans la ville. La bataille d’Abidjan risque d’être un carnage, à moins que les tenants des lieux ne rendent les armes rapidement ; une perspective qu’il ne faut pas écarter, au regard des désertions des fidèles et de l’étouffement tous azimuts dont est l’objet Gbagbo. Est-ce dans ce cadre qu’il faut placer la trêve qu’il a demandée pour négocier avec ADO ?
Et pourquoi une telle doléance (refusée par le camp d’en face), du reste incongrue à un moment aussi crucial ? Enfin, l’autre hypothèse est qu’il se pourrait que ce soit le début de la rédition du président sortant et que tout ce ramdam masque un écroulement de la maison Gbagbo. A moins que ce ne soit Gbagbo-le-matois qui tente d’user de sa farine traditionnelle.
Côte d'Ivoire : préparation d'une intervention de l'Afrique du Sud à Abidjan ? (Jeune Afrique. 06/04/2011)
L’Afrique du Sud se prépare à une intervention de son armée dans la capitale économique ivoirienne, pour protéger ses ressortissants, pourtant peu nombreux.
Va-t-on vers l’intervention d’une nouvelle armée étrangère en Côte d’Ivoire ? Selon nos informations, l’Afrique du Sud se prépare en effet à envoyer des soldats à Abidjan pour mettre ses ressortissants en sécurité. La marine sud-africaine dispose déjà d’un navire ravitailleur qui mouille au large d’Abidjan, le SAS Drakensberg. Ce bâtiment peut notamment accueillir un hélicoptère (voir photo). Pretoria dispose aussi d’un autre bâtiment de guerre, situé dans le Golfe de Guinée, et qui devrait faire mouvement vers Abidjan prochainement. Une centaine de parachutistes-commandos sud-africains sont aussi stationnés à Accra (Ghana) et pourraient intervenir dans la capitale économique ivoirienne.
Il s’agirait pour Pretoria de mettre ses ressortissants à abri et éventuellement de les évacuer. Mais le faible nombre de Sud-Africains à secourir (ils ne sont que 20 à Abidjan, selon nos informations) pose question. On ne peut faire que des supputations à ce stade, mais si Laurent Gbagbo, assiégé à dans sa résidence présidentielle, en venait à choisir l’exil, il aurait besoin d’un point de chute et d’une exfiltration par des forces qui ont sa confiance...
L’Afrique du Sud s’était en tout cas distinguée par sa relative bienveillance à l’égard de Laurent Gbagbo tout au long de la crise ivoirienne. Pretoria était favorable à une négociation entre lui et Alassane Ouattara, quitte à permettre au président ivoirien sortant de rester en place. L’Afrique du Sud n’avait demandé officiellement le départ de Laurent Gbagbo qu’après la remise des conclusions du panel des chefs d’État et de gouvernement de l’Union africaine (dont faisait parti le président Jacob Zuma), le 10 mars.
Pretoria s’est à nouveau fait remarquer cette semaine en prenant ses distances avec les frappes aériennes conjointes de l’Onuci et de la force française Licorne.
« Je ne me rappelle pas avoir donné un mandat à quiconque pour un bombardement aérien sur la Côte d'Ivoire, avait déclaré la ministre des Affaires étrangères Maite Nkoana-Mashabane lors d'un point-presse à Pretoria. Nous ne soutenons pas nécessairement ce que nous n'avons pas voté. »