C’est Dieu qu’on assassine…

Publié le par Un monde formidable

C’est Dieu qu’on assassine… Chronique de Nagib Aoun (L’Orient Le Jour. Beyrouth. 09/11/2009)

Le monde est fou ? Évidemment qu'il l'est, totalement, complètement. Un monde déboussolé, livré aux états d'âme des uns, aux humeurs perverses des autres, mais nullement conscient de sa démence, de sa schizophrénie.

Le monde est fou depuis qu'il existe, il l'est devenu à l'heure même où Ève a offert le fruit défendu à Adam, à l'heure même où Caïn a tué Abel. La folie s'est poursuivie tout au long des siècles, tout au long des années de désastres, de détresse, et ne s'arrêtera jamais aussi longtemps que l'homme prendra sa démence pour du génie, ses convictions pour révélations divines, ses propos pour paroles d'Évangile. Faut-il égrener les horribles souvenirs, les pages d'une histoire universelle qui baigne dans le sang des innocents, qui s'écrit en lettres écarlates ? Tueries, massacres, crimes de guerre, génocides, est-il vraiment nécessaire de remonter le temps pour faire l'inventaire de la bêtise humaine ?

N'allons pas loin dans le passé : d'une Première Guerre mondiale où les soldats allaient à la mort une fleur au bout du fusil, à une seconde conflagration mondiale où la folie d'un homme a subjugué les esprits, a ouvert la voie à l'impensable, à la troisième guerre planétaire, celle qui est en cours, celle d'un terrorisme sacrificiel où des milliers d'hommes tuent ou tombent au nom d'Allah le Miséricordieux, les preuves de l'inévitable, quasiment du « maktoub », s'accumulent, chaque jour plus accablantes, chaque jour plus assassines.

De l'Afghanistan à l'Irak, d'un Ben Laden qui se prenait pour le glaive de l'islam, destiné à punir les infidèles, à éliminer « les nouveaux croisés », à un George Bush qui se disait investi d'une mission divine pour éradiquer le mal, le facteur religieux est omniprésent, toujours brandi pour justifier l'injustifiable, pour faire admettre le bien-fondé d'aventures hasardeuses, d'expéditions meurtrières.  Et comme par ricochet, à l'image de pions qui se déplacent d'une manière anarchique, l'on voit un Ahmadinejad, lui aussi totalement immergé dans ses convictions religieuses, promettre la fin prochaine d'Israël, sa quasi-élimination, nier la vérité historique des camps d'extermination nazis, au rythme de la litanie quotidienne de « mort à l'Amérique ». À des milliers de kilomètres de là, dans une ville paisible des États-Unis, un officier supérieur américain, musulman d'origine palestinienne, entre soudainement en transes et, fusil à la main, abat treize de ses collègues au cri d'Allah Akbar.

Évidemment, il n'existe aucun lien entre Ben Laden, Ahmadinejad et le commandant Nidal Malik Hasan, mais en arrière-plan, en toile de fond, il y a la Palestine, il y a Jérusalem, et ce formidable héritage religieux, cette horrible incompréhension qui déchirent la région depuis vingt siècles.

Sur ce damier explosif, le Liban, lui, est aux premières loges, au centre d'une mosaïque qui a pour référence le même Dieu et qui implose chaque jour au nom du même Dieu. « Peuple élu », d'un côté, accroché à sa « Terre promise » et, de l'autre, un peuple martyrisé que l'État hébreu veut extraire, expulser du sol de ses ancêtres, de la terre qui est la sienne depuis des éternités. Au Liban, c'est Anne Frank qui en fait les frais. Extrémisme plus ignorance : le journal d'une enfant juive promise à l'extermination est assimilé à une propagande sioniste et est frappé d'interdit !

C'est Allah le Miséricordieux qu'on assassine une fois de plus... et le meurtrier est un parti qui se revendique de Dieu ! Le monde n'est pas seulement fou, il est aussi, très souvent, infâme... 

Publié dans Religions

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