Burkina Faso. Réfection des résidences officielles

Publié le par unmondeformidable

Réfection des résidences officielles : une véritable caverne d’Ali Baba (Source Le Pays. Ouagadougou. 14/05/09)

Il y a des prérogatives qui s’attachent à certaines fonctions. Ce cont entre autres celles de Premier ministre, de ministres et de présidents d’institutions. Au nombre de ces prérogatives, on cite la gratuité du logement, les véhicules ou le véhicule de fonction et le personnel domestique pour certaines autorités. Ces autorités incarnent et représentent l’État tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du Burkina. A ce titre, il est normal qu’elles jouissent d’une certaine aisance et de certaines commodités. Elles doivent, à leur lieu de travail, et à la maison, recevoir dignement leurs visiteurs. Ceci ne souffre pas de débat.

Mais que constate-t-on le plus souvent ? On constate que lorsqu’il y a nomination d’un Premier ministre, d’un ministre ou d’un président d’institution, celui-ci ordonne immédiatement des travaux de réfection avant qu’il ne prenne possession de ses nouveaux bureaux et de sa nouvelle résidence. La première chose à faire par les personnes chargées de cette tâche, généralement des fonctionnaires de la Direction du matériel de l’État, c’est d’ôter et d’éloigner le fauteuil sur lequel son prédécesseur posait son séant. Par la suite, ce sera le mobilier courant tel la table de travail ou si l’on veut, le bureau ministériel. D’autres exigent la pose d’une nouvelle moquette, de nouveaux carreaux, de nouveaux rideaux, de nouvelles couleurs pour les portes et les fenêtres, et bien d’autres choses encore. Généralement aussi, ils débarquent avec leur chauffeur. Celui qui conduisait l’ancien patron sera affecté ailleurs. Voici ce que l’on peut constater au niveau des bureaux. C’est quand tous ces travaux seront finis qu’il intégrera ses nouveaux locaux.

Alors, qu’en est-il des résidences officielles ? Là, c’est le comble si la maîtresse de maison s’en mêle. Ce qu’il nous a été donné de constater est simplement incroyable pour un pays pauvre comme le Burkina Faso. Avant d’emménager dans leur nouvelle résidence de fonction, des personnalités exigent que même le gazon de la cour soit décapé et remplacé. L’intérieur de la résidence et tout ce qu’elle contenait du temps de son ancien occupant doit être enlevé puis renouvelé : lits, matelas, chaises, fauteuils ou divans, baignoires qui avaient servi sous le prédécesseur, on ne doit pas et on ne veut pas le voir. Le salon ou les salons, les chambres, les bureaux doivent être revêtus de nouveaux carreaux aux nouvelles couleurs. Tout doit être neuf avant que le nouvel occupant ne prenne possession des lieux.

Tout comme pour les bureaux. Il reste à vous dire que ces réfections sont facturées et payées par le budget de l’État. Et quiconque connaît le marché de l’immobilier au Faso, qui se trouve être une véritable caverne d’Ali Baba, peut imaginer ce que coûte un remaniement ministériel, la nomination d’un Premier ministre ou celle d’un président d’institution au budget national. Avec un gouvernement de plus de trente membres, on devrait sévèrement encadrer les travaux de réfection. La bonne gouvernance doit aussi passer par là. Ou, pourquoi ne pas décider que certaines transformations, notamment celles qui sont opérées dans les maisons d’habitations, soient prises en charge par l’autorité elle-même avec ses fonds propres ? On limiterait ainsi certains abus. Ces travaux peuvent se présenter comme des occasions d’enrichissements illicites. Ne perdons jamais de vue que nous sommes au "Pays des hommes intègres", mais où les surfacturations sont le jeu favori de certains cadres.

Pourquoi les responsables nouvellement nommés exigent-ils la réfection de leur résidence comme de leur bureau ? A la base, se trouvent des croyances selon lesquelles on n’occupe pas sans danger la place laissée vide par celui qu’on remplace, car son remplacement à ce poste est toujours vécu, à tort ou à raison, comme un désaveu. Nous sommes dans le contexte africain et on ne peut pas balayer du revers de la main ces superstitions qui sont si tenaces. On peut penser, et cette croyance est très répandue, que des personnes "minent" leur bureau, la maison qu’elles habitaient, voire même la voiture qui les conduisait. Et voilà des croyances qui coûtent très cher à notre budget, notre patrimoine commun.

Enfin, si pour le Premier ministre et les ministres et assimilés, il faut dépenser tant, qu’en sera-t-il le jour où se produira l’alternance au sommet de l’Etat ? Le nouveau président exigera-t-il un nouveau palais ?

Publié dans Afrique de l'Ouest

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