Burkina Faso. Prétoriens, soldatesque, long fusils, contestations et usure d'un pouvoir (3)
Burkina Faso. Ils changent de cibles par Hyacinthe Sanou (L’Observateur. Ouagadougou. 31/03 2011)
« …Les mutins ont réintégré leurs matériels et rejoint les casernes », annonçait le directeur de la communication et de la presse ministérielle du ministre de la Défense et des Anciens combattants, le Colonel Moussa Cissé, dans un communiqué laconique diffusé en « édition spéciale » à la télévision nationale à 21h30 le mardi 29 mars 2011 et portant sur la situation à Fada-N’Gourma. Comme un démenti cinglant et même résonant, aux environs de 23h, soit deux heures seulement après, des coups de feu se sont fait entendre à travers la capitale, et la cité de Yendabri aurait connu de nouvelles manifs de militaires, lesquels avaient effectué une première sortie lundi. Encore. Rebelote en effet, car après la chaude nuit du 22 au 23 mars dernier, où la soldatesque a fait une descente en ville sanctionnée par des actes de vandalisme, Ouagadougou a été une nouvelle fois le théâtre de mouvements similaires dans la nuit du 29 au 30 mars 2011. Dans leur furia, les bidasses, qui ont épargné cette fois-ci les commerces, s’en sont pris aux domiciles de hautes personnalités de premier plan telles que le chef d’état-major général des armées (CEMGA), le Général de division Dominique Djindjéré, et le bourgmestre, Simon Compaoré qui, lui, a été gravement blessé (à la tête, aux côtes et aux pieds), même si sa vie, selon les dires officiels, à la date d’hier, n’étaient pas en danger . (...) Ainsi, le chef d’état-major général des armées et le maire auraient été les cibles principales pendant cette nouvelle « nuit des longs fusils ».
Il est question également du nouveau ministre de la Sécurité, Auguste Denise Barry, même si nous n’avons pu sérieusement recouper l’information. Des cibles « accidentelles » ont également été touchées par des balles perdues à l’image du resto-café Lohorom, situé dans le quartier Saint-Léon non loin du cimetière municipal ; une balle perdue y a en effet traversé le toit et touché une bouteille de gaz, ce qui a provoqué un incendie qui a presque tout consumé : télévision, ustensiles de cuisine, réfrigérateur, vêtements, provisions (...) La cuisinière, Maïmouna Soussouma, dormait à l’intérieur avec trois autres personnes et elles n’ont eu la vie sauve qu’in extremis (...) Les sapeurs-pompiers seraient ensuite partis éteindre le feu et dépressuriser les autres bouteilles de gaz avant de conduire les blessés au dispensaire de Samandin pour des soins pendant que le propriétaire, Hamidou Konaté, lui, était informé de la situation : « Il était 3h du matin quand on m’a informé qu’un incendie ravageait le restaurant et que les employés ont été évacués au dispensaire. Comme les tirs persistaient, j’ai jugé bon de ne pas sortir et ce n’est que le matin que j’ai constaté les dégâts dans le resto et vu qu’il y a eu 3 blessés sur les 4 personnes qui y dormaient. » Dans un premier temps, les gendarmes venus pour le constat auraient conclu que l’incendie était dû à un court-circuit. Et ce n’est qu’en apercevant une substance fondue sur l’une des bouteilles de gaz qu’ils auraient accepté l’idée qu’elle a pu être touchée par une balle. C’est alors qu’avec l’accord des pandores, les ferronniers voisins auraient découpé le bas de la bouteille pour en extraire une balle « longue comme ça » que les gendarmes ont emportée. A leur suite, ce sont les huissiers qui sont venus faire leur constat. « C’est énervant et même écœurant surtout que nous n’avons ouvert que le 8 janvier dernier ! Et voilà que des gens dont on ne connaît même pas les revendications réelles nous causent de telles préjudices » se lamente Hamidou Konaté.
Ainsi durant toute la nuit du 29 au 30 mars dernier, Ouagadougou a été secouée une nouvelle fois après la première descente en ville du 22 au 23 mars dernier où la sortie de la soldatesque avait été ponctuée par des actes de vandalisme. Cette fois-ci, les commerces et stations-service ont été épargnés et contrairement à la première fois, les Ouagavillois ont vaqué paisiblement à leurs occupations dans la journée du mercredi. Des établissements scolaires et financiers sont restés cependant fermés par mesure de prudence.
On apprend également que la ville de Gaoua serait à son tour entrée dans le carnaval des kalachs. Selon les nouvelles qui nous parviennent de Fada N’Gourma, les « mutins » ont aussi remis le couvert mercredi matin. Dès 7 h, un groupe de bidasses non armés, mais ceinturons en mains, ont investi le marché et chassé les commerçants. Ils seront ensuite rejoints par un second groupe lui, armé à bord d’un véhicule de l’OCADES qu’ils ont réquisitionné. Ils s’en sont ensuite pris aux directions régionales du Trésor public et des Douanes puis sont allés se poster sur la route de Pama qu’ils ont bloqué avant de tirer plusieurs coups de feu en l’air. La cité de Yendabri n’aurait retrouvé un calme apparent qu’au soir. Le message à la Nation délivrée hier par le chef de l’Etat, Blaise Compaoré, parviendra-t-il à ramener le calme ? Telle étaient certainement la question que se posaient la plupart des Burkinabè, inquiets de savoir quelle nuit leur était promise de mercredi à jeudi.