Afghanistan. Le soutien à la guerre s’effrite.

Publié le par Un monde formidable

Le soutien à la guerre en Afghanistan s’effrite. Par Yves Petignat (Le Temps.CH. 30 juillet 2009)

Convaincue que ce conflit ne sera jamais gagné et alors que le mois de juillet a été particulièrement meurtrier, l’opinion occidentale est en passe de lâcher l’engagement de l’OTAN en Afghanistan. Il n’y a pas d’autre voie qu’un calendrier de retrait, juge Maryam Abou-Zahab, spécialiste de la région.  

L’Afghanistan, un nouveau Vietnam pour la force internationale de l’OTAN? Une guerre qui ne veut pas dire son nom en tout cas. C’est l’image qui fait peur en Europe, alors que le mois de juillet se révèle déjà le plus meurtrier en sept ans d’engagement de la coalition. L’opinion publique est en train de changer, convaincue que ce conflit ne sera jamais gagné. Mais, à quelques semaines de l’élection présidentielle, que personne n’ose qualifier de démocratique, la coalition est au contraire engagée dans les plus vastes et violentes offensives jamais menées dans la région.

Ces quatre dernières semaines, les forces de l’OTAN ont encaissé la mort de plus de 69 soldats, dont 37 Américains et 23 Britanniques. Si le bilan est aussi lourd, c’est que plus de 4000 Marines et GI ainsi que 3000 militaires britanniques sont engagés depuis fin juin dans deux opérations très dures au cœur du bastion taliban, dans la province de Helmand, au sud du pays. Au nord, 300 hommes de la Bundeswehr appuient l’armée afghane dans une opération de ratissage autour de Kunduz. L’armée britannique a perdu 191 hommes en Afghanistan. Plus qu’en Irak. C’est le tournant. Le premier ministre Gordon Brown a beau expliquer que l’offensive a été un succès, l’opinion publique a viré. Près de 58% des Britanniques ne croient plus à une victoire possible et 52% sont favorables à un retrait immédiat.

La semaine dernière, le vice-président américain Joe Biden a prévenu que les pertes des forces internationales allaient encore s’aggraver, mais, «en termes d’intérêt national pour les Etats-Unis et l’Europe, le conflit mérite l’effort que nous faisons». Barack Obama, le président des Etats-Unis a ordonné l’envoi de 21000 hommes en renfort ces derniers mois.

«C’est sans issue, il n’y a pas de solution militaire. La stratégie d’Obama n’est rien d’autre que la continuation de celle de Bush», juge Maryam Abou-Zahab, chercheuse au Centre d’études et de recherches internationales (CERI) à Paris. «On envoie des renforts, on accroît l’intensité des combats et on renforce l’insurrection. Une stratégie qui augmente les cibles, sans compter les bavures sur des civils. Or même les généraux américains admettent qu’ils affrontent de vrais professionnels de la guérilla, plus expérimentés, très motivés, mieux armés», selon la chercheuse.

Les vétérans de l’armée américaine qui ont «fait» l’Irak en conviennent, les talibans afghans sont bien plus audacieux et dangereux que les terroristes irakiens. «C’est un monde totalement différent. Les talibans ne sont pas stupides, ils vous collent aux basques et vous manœuvrent», expliquait un Marine au New York Times. En sept ans, les troupes de la coalition ne sont pas parvenues à assurer la sécurité des civils. Et cela ne semble plus être leur priorité. «Les opérations militaires actuelles visent surtout à assurer une participation raisonnable pour l’élection présidentielle du 20 août. Histoire de lui donner un vernis démocratique. Il s’agit de dégager des zones autour des principaux centres alors que monte un sentiment d’insécurité chez les Afghans, qui craignent des attaques de talibans», analyse Maryam Abou-Zahab.

Le président sortant, Hamid Karzaï, a besoin de faire le plein de voix afin d’éviter un deuxième tour. Il doit s’assurer la base électorale pachtoune, dans le sud du pays, là même où les talibans sont les plus actifs. Car toujours plus d’Afghans sont déçus et désabusés: le président est une marionnette des Américains à leurs yeux, le gouvernement est corrompu, Kaboul une vitrine de luxe arrogante et frelatée par la culture occidentale. Ils n’attendent rien de l’élection pour laquelle on présume déjà une fraude massive.

Pour le ministre britannique des Affaires étrangères, David Miliband, la solution passe par la négociation avec les talibans. Hamid Karzaï lui-même, soucieux de s’attirer le soutien des clans, a annoncé vouloir dialoguer avec les modérés, qui font toujours la sourde oreille.

Mais comment trier les modérés, entre les nationalistes qui se battent contre «l’occupation étrangère» et pour une république islamiste dure et les islamistes du Hezb-i-Islami, au nord-est, les combattants aguerris de Gulbuddin Hekmatyar, prêts à toutes les alliances? Maryam Abou-Zahab pense qu’il n’y a pas d’autre voie que de renforcer les institutions de l’Etat tout en offrant aux Afghans, toujours plus remontés contre la présence étrangère, une ouverture avec un calendrier clair de retrait des troupes de la coalition.

Publié dans Asie centrale

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